LES MASQUES ET LES FETICHES EN AFRIQUE NOIRE (1)
Les fétiches se rencontrent à tous les niveaux de nombreuses religions d'Afrique noire. Ce sont bien des objets incontournables qu'on a, malgré tout, cherché à discréditer, à dévaloriser en leur attribuant des significations méprisantes ou en les jugeant indignes de toute considération scientifique. Le fétiche, dans notre monde occidental, effraie autant qu'il déchaîne les passions.
Pendant longtemps, l’Afrique noire a gardé ses secrets qui lui ont permis de résister aux colons dans des guerres, et de maintenir sa suprématie. De ces secrets, on a des masques et des fétiches. Les fétiches et masques africains effraient les non initiés, horrifient les marabouts, mais captivent les artistes, les anthropologues, les philosophes et les psychanalystes. Etres inanimés, objets de décoration ou symboles des dieux, les masques ont des appréhensions diverses et connaissent une modernisation progressive avec l’urbanisation de l’Afrique noire. Ainsi s’interrogeait Lamartine : « Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? Du vodu du Togo au boliw du Mali, le rapport des individus au monde d’ici-bas et à l’au-delà passe par la confection et l’entretien d’objets qui sont plutôt des êtres que des choses.
Que sont réellement ces masques et fétiches ?
L’Afrique traditionnelle s’urbanise, les écoles remplacent les initiations traditionnelles, et les fétiches et masques se sont adaptés à la modernité. Les masques représentent les puissances de l'au-delà quels que soient l’endroit qu'ils couvrent. Qu’il s’agisse de la tête, du corps entier, ou d'une représentation naturaliste ou stylisée. En Afrique, il s'agit souvent d'esprits ancestraux, c'est-à-dire des esprits des morts, mais aussi de toutes sortes de génies naturels, de même que les démons liés à des maladies, représentés dans un masque sous forme de géants, de nains ou d'un animal.
Dans des cérémonies, le porteur du masque ne représente pas seulement la puissance spirituelle, mais s'identifie à elle jusqu'à en être possédé et à devenir pleinement l'esprit auquel il prête son corps lors des rituels. En Côte d’ivoire, chez les Dan, les masques sont les esprits de la brousse et non leurs représentants. Très nombreux dans leur diversité, les masques Dan sont nommés Guégo, "tête de masque". Le terme général Glé (Gleu dans le sud-ouest) désignant le personnage entier. Glé incarne la force spirituelle qui habite dans la forêt et souhaite participer à la vie du village. Le porteur du masque et son propriétaire jouissent d'un statut très élevé dans la hiérarchie du village.
Dans toutes les traditions d’Afrique noire, les masques sont craints. Celui qui ne respecte pas les masques commet un crime grave contre sa société et sa religion. En outre, les masques africains sont très hiérarchisés. Lors des cérémonies, certains apparaissent seulement pour divertir le public, d'autres sont muets ou bien dotés de parole. La majorité parle et chante, leur voix pouvant se manifester par de la musique.
La plupart, réalisés généralement dans un bois très dur, ou en terre cuite, sont polis avec les feuilles d'un arbre similaire à du papier de verre, puis teints en noir à l'aide de teinture végétale (latex, suie...).
En Afrique noire, les masques font leur apparition en général dans les phases de transition, telles que la nuit, lors du renouvellement de l'an, à l'occasion de l'action de grâces, pendant les initiations, dans les funérailles et les commémorations des morts. Ce sont les occasions choisies par les Ancêtres pour évoquer et censurer les fautes commises au cours de la période écoulée.
Le masque peut être un objet de médiation et de renforcement des liens communautaires. Ainsi, chez les Dan, comme chez les akans, leur apparition, lors de fêtes masquées, résout les conflits qui n'auraient pu être réglés par le chef du village. De même qu’il met fin à un malheur qui décime la communauté. Le Nkishi par exemple est un médiateur entre le divin et les hommes chez les peuples de l’Ouest de la Côte d’ivoire.
Cependant, dans la plupart des sociétés africaines, il n’est pas permis à n’importe qui de voir ou de communiquer avec les masques.
La communication avec les êtres spirituels et le contact direct avec les masques sont parmi les privilèges des hommes qui, dans de nombreuses sociétés africaines, se réunissent dans une société de masques ou dans une société secrète et qui mettent les masques à l'abri des non-initiés, notamment des femmes et des enfants. À ces derniers, il est interdit sous peine de mort, de connaître l'identité des danseurs portant le masque. Pourtant, de nombreux mythes évoquent un temps où le secret des masques était aux mains des femmes, avant qu'il ne leur ait été enlevé par les hommes. Les masques africains sont soit de sexe masculin soit féminin.
Quel est le genre des masques africains ?
La distinction est toute simple : les masques aux yeux ronds incarnent un esprit féminin, les yeux en fentes, un esprit masculin.
Souvent, pour les masques funéraires, la bouche est largement arrondie, le masque chantant les louanges du défunt. (Sources locales AM). Les masques funéraires, plus vieux, ont une bouche normale ou cousue.
Ces masques, en fonction de leur utilité deviennent des fétiches. Les fétiches ont un rapport étroit avec un sorcier. Il y a en a de toutes sortes. Cependant, les fétiches spectaculaires sont parmi les plus prisés d'Afrique, et sont utilisés par les Songyé. C’est dans les situations difficiles comme, des cas de stérilité, maladie, ou de menace qu’on fait appel au Nganga (sorcier) pour le fabriquer. Il confectionne alors un Bwanga (pl. Manga) qui permettra d'atteindre le but désiré, qu'il s'agisse de procréer, guérir, se protéger des malheurs, de la foudre, ou encore d'avoir une chasse giboyeuse.
Un Bwanga est un objet ou un assemblage d'objets particuliers auxquels le sorcier incorpore des Bishimba ou amalgames d'ingrédients secrets...
Le Nkishi est une forme particulière de Bwanga qui revêt une forme anthropomorphe. Les Bishimba y sont incorporés dans des cavités du nombril et de la tête.
On distingue deux grands types de Mankishi : l'un est destiné à protéger l'ensemble du village et à assurer la fertilité des femmes, le second est confectionné pour un usage personnel ou lié à une famille.
Ces deux fétiches sont différents : le premier est généralement d'une taille allant de 60 à 100 cm et plus, le second de taille plus modeste.
Outre l'implant des Bishimba, le sorcier va y ajouter d'autres matières, peaux, fourrures, tissus, clous et plaques de laiton, corne, coquillages..., une fois confectionné et activé par le Nganga, les Mankishi personnels (aussi appelés Kankishi, étaient placés sur les autels domestiques).
Les Mankishi communautaires étaient eux conservés dans un sanctuaire particulier, situé généralement au centre du village, puis confiés à un gardien de la tradition censé posséder des pouvoirs de communication et traduire la parole du Nkishi sous une emprise médiumnique...