Hausse du prix de carburant en Côte d'Ivoire: la population en grève

Publié le par Denis-Zodo

Le dimanche dernier, le gouvernement Ivoirien a annoncé une très forte augmentation du prix des carburants à la pompe. Selon le Secrétaire général du gouvernement, cette augmentation qui est la première du genre depuis 2005 est consécutive à l’augmentation, ou à la grande flambée des cours du pétrole sur le marché mondial combinée à la crise alimentaire. En effet, le baril est passé à plus de 148 dollars aujourd’hui. Et dans l’incapacité du gouvernement de subventionner ce produit, il a fini par se plier aux exigences des pétroliers distributeurs après plusieurs discussions, en revoyant à la hausse, les prix du carburant à la pompe. Cependant, n’a donné lieu d’aucune rencontre préalable avec les consommateurs. Or les augmentations opérées sont dans les proportions très élevées. Par exemple, 29,2% pour le litre de super, 40% pour le gasoil, et entre 28,5 et 33% pour le gaz domestique en bouteille. En cette période sensible où la population est précarisée par la guerre, l’annonce d’une telle décision est-elle opportune ? Quelles en sont les raisons réelles ?

A l’instar des pays voisins, la Côte d’Ivoire ne peut-elle pas amortir les coûts pour les rendre accessible à tous, et au delà, quelles sont les perspectives ?

Que dire alors des tensions inflationnistes dans cette économie complexe ? La majoration inattendue et impopulaire des prix du carburant a irréfutablement des conséquences majeures sur les produits et services de communication courante. C’est donc la population ivoirienne, notamment les plus pauvres qui supportent les frais. Une telle augmentation entraîne la hausse des prix du transport, du riz, de la farine etc.

Le gouvernement l’a admise, car selon elle, il n’y a pas d’alternative à cela. Sinon la seule : celle de décider de ce choix douloureux pour réparer la mauvaise gestion orchestrée par le FPI. En réalité, cette décision paraît difficile à accepter pour trois raisons majeures.

D’abord, parce que la Côte d’Ivoire produit du pétrole et même en exporte. Sans rentrer dans la guerre des chiffres qui situe la production ivoirienne entre 80.000 et 100.000 barils par jour, on retient les chiffres du gouvernement, selon lesquels la Côte d’Ivoire produit au minimum 55 milles barils par jour. Le chef de l’Etat en a proposé plus. Et au-delà, il existe plusieurs autres champs non exploités. En outre, la Côte d’Ivoire exporte une partie de sa production. On est donc producteur de pétrole, pourquoi une augmentation des cours mondiaux ne peut-elle pas nous profiter ? Le secteur du pétrole est longtemps resté obscur. Dans le flou artistique et la guerre des chiffres, interviennent en 2006 entre le gouvernement, les ONG, les auditeurs privés et les bailleurs de fonds, un audit qui a été diligenté. Les résultats réels de celui-ci sont restés inconnus en raison de leur pertinence. Le peuple continue d’en souffrir, en subissant le dictat des pétroliers fournisseurs qui sont les barons du pouvoir. Ensuite, la Côte d’Ivoire raffine du pétrole. Elle raffine le pétrole de plusieurs pays de la sous région. Elle engrange donc, suffisamment de recettes, au titre de la fiscalité nationale et de la trésorerie de la société Ivoirienne de Raffinage (SIR). D’où vient l’idée de la difficulté de trésorerie dont fait l’objet la SIR ? Selon, les gouvernants, c’est la subvention du gaz qui est à l’origine de ce déséquilibre financier de la SIR. Et pourtant, l’opacité dont fait l’objet cette structure est inqualifiable. C’est pourquoi, ces difficultés de trésorerie ne sauraient être imputables à la subvention du gaz, mais plutôt à la pratique de la « caisse unique » mise en œuvre  par le parti au pouvoir. Enfin, le refus de mener une politique des prix en faveur de la population, en réduisant le train de vie du gouvernement, en est une raison fondamentale. .

La population ivoirienne est en majorité pauvre. C’est pourquoi, la venue du Front Populaire Ivoirien (FPI) a été salutaire. Mais, une fois le pouvoir acquis, le FPI s’est départi de cette option socialiste pour devenir autre chose. Ainsi, on assiste à des enrichissements individuels ça et là pendant que souffrent des individus. La corruption, la fraude et les détournements ont pris le dessus. Les caisses se sont vidées. Il ne reste plus qu’à laisser la population à son sort. Les barons, riches et détenteurs de la plupart des affaires ne veulent se départir d’aucun centime de ce qu’ils ont pour soutenir les pauvres. Dans cette pauvreté, à la différence des pays voisins, la Côte d’Ivoire n’a pas songé à gérer aux mieux la politique des prix en faveur des pauvres populations. Le Mali a pu maîtriser ses prix à la pompe grâce à une volonté politique soutenue par l’actuel pouvoir, alors qu’il n’est ni raffineur, ni producteur de pétrole. La Côte d’Ivoire, en élevant les siens, refuse de soutenir les Ivoiriens de façon satisfaisante, à l’ampleur de la hausse des prix. Cependant, face à la grogne intempestive des populations, il faut agir sur tous les fronts pour faire face à la hausse des prix. Dans ces conditions il reste à :

-         auditer urgemment la filière du pétrole et rendre publique les résultats

-         exonérer la taxe intérieure sur les produits pétroliers au-delà de six mois.

-         Préconiser la mise en place d’une caisse de stabilisation et de soutien des prix des produits pétroliers.

-         Réduire le taux de certaines taxes et impôts comme la patente, la taxe de stationnement… afin de permettre aux transporteurs d’adopter des prix de transport accessible.

-         Encourager le reboisement en vue de l’usage du charbon de bois à des fins de carburant ou de moyen de chauffage

-         Faire le diagnostic énergétique des exploitations, encourager des recherches, et développer les recours aux énergies renouvelables (énergies solaires)

-         Prendre en charge le secteur agricole

-         Plafonner les prélèvements de la taxe sur la valeur ajoutée sur le gazole

-         Encourager la production et l’investissement dans le raffinage des champs existants au niveau interne et international

-         Proposer des mesures idoines pour juguler les conséquences sur les différentes chaînes de productions et de distribution

-         Diversifier les moyens de transport en diminuant notre consommation par l’usage de véhicule à air compressé ou d’énergie musculaire

-         Mettre en place un plan de financement durable du secteur énergétique afin d’éviter les déséquilibres nés du renchérissement des prix du carburant.   




Paru dans le jour plus N°1448 jeudi 17 juillet 2008 

 

Publié dans Economie

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