France : Crise, l’immobilier en prend pour un bail
Ça y est ! C’est reparti… pour la rumeur. L’immobilier serait à la hausse. Pour cela il a suffi de la publication d’un indice Insee-chambre des notaires de Paris-Ile-de-France. Il fait état d’une augmentation de 1,4 % du prix des appartements dans la capitale au troisième trimestre 2009, par rapport au trimestre précédent. En province la hausse est de… 0,1 %. Dans les deux cas, en tendance annuelle, les prix demeurent à la baisse (- 7,2 % à Paris et - 7,9 % en province entre le troisième trimestre de 2008 et celui de 2009). Mais le petit frémissement observé au cours des trois derniers mois, qui s’explique notamment par un phénomène de rattrapage (le nombre transactions s’était écroulé au cours du premier semestre), suffit à nourrir un «buzz» (lire page ci-contre) selon lequel la crise de l’immobilier est finie et tout va repartir. Ce dont doutent de nombreux économistes. Pour eux la baisse des prix de la pierre va se poursuivre en 2010. C’est presque une nécessité, pour que des ménages écartés du marché par des prix inabordables redeviennent clients. Mathilde Lemoine, directrice des études économiques et des stratégies des marchés chez HSBC-France, considère que «la baisse des prix de l’immobilier dans l’ancien sera de 7 % en 2009 en moyenne nationale». Selon elle, «l’année 2010 devrait être marquée par un nouveau repli de l’ordre de 5 %», toujours en moyenne nationale.
Amorties. Membre du Conseil d’analyse économique et ancienne conseillère en macroéconomie de Dominique de Villepin à Matignon, Mathilde Lemoine s’appuie sur un modèle éprouvé. Elle avait été la première à publier une étude annonçant dès 2007 le retournement du marché de l’immobilier et un recul des prix, qui s’est bel et bien produit. A ce jour, la baisse est de l’ordre de 10 % par rapport au pic des prix constaté début 2008. Ce recul des tarifs est intervenu dans le cadre d’une chute du nombre des transactions en France. Cette année, le nombre de ventes de logements dans l’ancien va tomber à 530 000 contre 802 000 en 2007, lorsque le marché était encore en pleine euphorie.
Cet effondrement de la demande pèse évidemment sur les prix. Dans cette période incertaine, les évolutions d’un trimestre sur l’autre, doivent donc être regardées avec prudence. «La baisse des prix de l’ordre de 10 % intervenue jusqu’ici a déjà amélioré la solvabilité des acheteurs. Mais elle est susceptible de se poursuivre - peut-être à un moindre rythme - au cours des prochains trimestres», considère Laurent Quignon, responsable de l’économie bancaire chez BNP-Paribas. Le marché a besoin de s’ajuster aux capacités contributives des acheteurs. Or entre 1998 et début 2008, l’immobilier a flambé : + 112 % de hausse en euros constants au niveau national et + 143 % à Paris ! Soit une multiplication des prix par 2,12 pour l’Hexagone et par 2,43 dans la capitale. L’immobilier a fait le grand écart au regard de l’évolution du revenu des ménages.
Certes ces hausses vertigineuses ont été en partie amorties par la baisse concomitante des taux d’intérêt et l’allongement de la durée des emprunts. Mais pas au point de maintenir intacte la solvabilité des ménages qui ont des projets résidentiels. Aussi nombre d’économistes s’accordent à dire que l’immobilier «demeure surévalué» et que le «marché est à la recherche de nouveaux prix d’équilibre». L’immobilier serait selon les sources, de 20 % à 30 % trop cher par rapport «à sa valeur fondamentale». «Le risque lié à l’investissement immobilier n’est pas suffisamment rémunéré comparé à un investissement dans un emprunt d’Etat à long terme», pointe Laurent Quignon. Des ajustements à la baisse sont nécessaires pour revenir à une «valeur fondamentale» correcte. Economiste au Crédit agricole, Olivier Eluère prédit que l’an prochain, on assistera à une «légère reprise du nombre de transactions dans l’ancien mais en sachant qu’on est descendu très bas courant 2009». Mais pour lui, «la baisse des prix va continuer en 2010. Elle sera légère. De l’ordre de 3 %. Puis en 2011, les prix vont probablement se stabiliser», prédit cet économiste. Pas de krach en vue donc, mais des prix en pente douce.
PTZ. Et puis il y a la situation économique morose. Les prévisions font état d’une croissance très molle l’an prochain : de 0,75 à 1,5 %. «L’économie va continuer à détruire des emplois. La hausse du chômage va se poursuivre», font observer ces économistes. Un climat ambiant pas très propice pour les ménages qui s’engagent dans des emprunts d’une vingtaine d’années. Mathilde Lemoine a calculé que «la seule hausse du chômage aura pour impact une baisse des prix de l’immobilier de 2 %».
Au-delà de ces aspects macroéconomiques, la fin du doublement du prêt à taux zéro (PTZ) dans le neuf mi-2010, la probable hausse des taux d’intérêts au même moment et la moindre réduction des intérêts d’emprunts sur les prêts immobiliers dans le neuf - à part pour les rares logements répondant à la norme BBC (bâtiments basse consommation d’énergie) - vont peser sur le marché. Cette situation aura un impact très négatif sur les primo-accédants dont le budget est très serré. Il semble donc prématuré de laisser planer l’idée que les prix vont repartir à la hausse, d’autant que c’est leur niveau très élevé qui a provoqué un écroulement du nombre de transactions en 2009.