Guinée Conakry : Comment sortir de la Crise ?

Publié le par Denis-Zodo

La République de Guinée est plongée dans un état de déconfiture abyssale depuis la longue maladie de son Président constitutionnel Lansana Conté et qui a conduit à sa mort le 22 décembre dernier. Dès l’annonce du décès de Conté, un groupe de militaires a dissout le gouvernement et la constitution (devenu désuètes depuis des années). Organisés au sein du Conseil National pour la Démocratie et le Développement (CNDD) dirigé par le capitaine Moussa Dadis Camara, ils ont pris la ferme décision d’une part, d’organiser  les élections crédibles et démocratiques en 18 mois, et d’autre part, de procéder à la moralisation de la vie publique. Ce putsch qui n’a pas rencontré d’indignation générale, à au contraire, suscité une allégeance générale à ceux-ci. Cependant, l’Union Africaine (UA) contraint par ses textes, vient de condamner ce putsch et suspendre la guinée pendant 6 mois de ses instances. Quelle est la motivation réelle de ces putschistes ? Comment faire prévaloir la paix et une sortie urgente de crise de façon  sereine ?

 

Rappelons, avant tout, que ce putsch n’a pas rencontré d’indignation générale car il était attendu par la population, la société civile, et les parties politiques. Il était donc prévisible.

En effet, la population a souhaité pendant longtemps un changement de régime, de mode de gouvernement, le retour à l’ordre, et à la moralisation de la vie publique en Guinée. Cela s’illustre à travers une longue période de turbulence devant laquelle la Communauté internationale et les Etats africains se sont abstenus d’agir pour laisser mourir les Guinéens.

En 2001, l’opposition politique a boycotté le referendum  au motif que Conté n’était plus capable de gouverner, et elle a proposé une période de transition à la Communauté internationale et à l’ensemble de la population Guinéenne, mais cela n’a pas eu d’écho favorable. En 2004, un mémorandum a été publié et distribué à tous les chefs d’Etat de la sous-région afin d’intervenir pour que le gouvernement accepte une transition qui se chargera d’organiser les élections générales transparentes. Certains chefs d’Etats déjà en complicité avec Conté n’ont pu apporter satisfaction à cette exigence. Or, l’Assemblée nationale fonctionnait au-delà de son mandat légal, car il y a eu la prorogation de son mandat en raison de la non organisation d’élections ; en juin 2006, les syndicats fatigués de la situation sont descendus dans la rue pour contester. Et cela a été suivi par la contestation populaire de janvier 2007.

 

De tout ce qui précède, il en découle que c’est le défaut d’une Institution extérieure forte dans l’arbitrage de cette parodie de gouvernance qui a conduit la Guinée dans cette situation. C’est donc dans cette situation de velléité communautaire continue que le putsch est survenu pour mettre fin au 24 ans de règne des prédateurs, au grand bonheur de tous les Guinéens.

 

La junte militaire qui a pris le pouvoir crée non seulement une rupture avec l’ancien régime mais souhaite organiser des élections démocratiques, ouvertes, crédibles et incontestables.

 

Le Conseil National pour la Démocratie et le Développement (CNDD) dirigé par le capitaine Moussa Dadis Camara a pris la ferme décision d’une part, d’organiser  les élections crédibles et démocratiques en 18 mois, et d’autre part, de procéder à la moralisation de la vie publique.

 

De la rupture avec l’ancien régime, il faut voir la rupture avec les pratiques, mais aussi la rupture avec les hommes de Conté. Il y a là une reprise de toutes les revendications populaires rejetées en 2005 par Conté. On l’a vu, certains généraux  sont déjà mis à la retraite, et des gouverneurs de régions démis de leur fonction. Aussi, dans le cadre de la moralisation de la vie publique, tous ceux qui ont volé ou tué rendront compte de leurs actes devant les militaires. Cela est une bonne chose, mais pourrait présager des règlements de comptes et des abus. On le sait, le Numéro 2 du CNDD, le général TOTO Camara, nommé Ministre de la Sécurité avait fait l’objet d’arrestation et torturé pour complot contre la sûreté de l’Etat par l’ancien régime sous l’ère Conté.

 

Il faut donc régler ou canaliser ces problèmes qui sont de nature à entretenir des révoltes communautaires ou des sentiments de revanche.

 

En outre, l’initiative d’organiser les élections avec la société civile et les partis politiques constitue une assurance à la normalité imminente de la situation en Guinée.

Dans ce sens, il faut avancer étape par étape, et ne point éviter certaines phases du processus de paix qui conduira aux élections, à savoir, mettre en place les Institutions compétentes  qui seront dirigées par des personnes neutres, consensuellement admises et capables d’un changement qualitatif et constructif, assurer les financements et les moyens adéquats...

Pour le réussir, il faut favoriser un dialogue politique entre les Guinéens. Comment mettre en place une nouvelle constitution et un code électoral consensuels ?

Les partis politiques affirment certes leur attachement au CNDD de façon objective, mais le cadre de la transition doit être discuté préalablement au plan des textes et des organes compétents.

Décider d’un bon cadre de transition acceptable par tous. Il faut des structures extérieures, notamment l’UA et la Communauté internationale pour assurer un arbitrage juste, et au-delà, contraindre les militaires à respecter leurs engagements en temps utile. Dans ce sens, l’Union Africaine par l’application de ses textes visant à la suspension de la Guinée pendant 6 mois de ses instances et la menaçant de sanctions au-delà de cette date, constitue une initiative salutaire. Cependant, elle doit non seulement court-circuiter le CNDD, mais l’assister et l’orienter et faire avancer les choses. Il faut mettre en place les structures dynamiques et instaurer le civisme à tous les niveaux et inciter les parties politiques à mettre en place des projets de société adéquats, exigées par la situation et le moment.

Le putschiste de noël doit en 6 mois, faire avancer les choses, et en 18 mois, avoir tout réalisé. Pour ce faire, il faut une bonne volonté politique et une union véritable des peuples guinéens. Les partis politiques doivent taire leurs différences pour s’accorder sur l’intérêt général. Les Etats voisins en turbulence présentement, qui étaient en état de bon voisinage avec Conté, peuvent apporter leur soutien sans parti-pris, car cela pourrait réveiller certaines velléités, en somnolence chez les Guinéens. On le sait, plusieurs réfugiés des Etats de la sous-région ouest africaine vivent en Guinée.

 

Publié dans Politique africaine

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