Guinée : le Capitaine Moussa Dadis Camara est-il crédible ?

Publié le par Denis-Zodo



Le Capitaine putschiste Moussa Dadis Camara

Photo : AFP

 

La République de Guinée parfois appelée Guinée Conakry, est un pays d’Afrique de l'Ouest vient de perdre son dauphin constitutionnel. Les militaires, par un coup d’Etat accèdent au pouvoir et promettent d’organiser des élections larges et ouvertes à tous. Quel est l’avenir d’une telle transition ?

Une aventure politique tumultueuse aux origines historiques dictatoriales

La Guinée Conakry accède à l'indépendance le 2 octobre 1958, et Ahmed Sékou Touré, en devient le président à 36 ans. Il cherche à construire une Union Africaine avec Kwame Nkrumah, apôtre du panafricanisme ; la Guinée et le Ghana forment une union le 1er mai 1959, rejoints le 24 décembre 1960 par le Mali. Officiellement non-aligné, le régime s'appuie sur l'Union soviétique sans rejeter l'aide des USA.

 

Sékou Touré vit dans la peur du complot, dont il accuse alternativement la France, le Portugal ou les Peuls. Le régime devient une dictature, pratiquant une répression violente dont le Camp Boiro reste le symbole.

 

Après la mort de Touré en 1984, le gouvernement intérimaire est rapidement renversé par Lansana Conté. Sous la pression des bailleurs de fond, il introduit le multipartisme en 1993 et organise des élections, qui l'ont confirmé par deux fois à la présidence, en 1993 et en 1998. Bien que globalement épargnée par les conflits des pays voisins, la Guinée est confrontée à l'afflux de plusieurs centaines de milliers de réfugiés venus du Libéria et de Sierra Leone.


Après avoir révisé la Constitution pour pouvoir se présenter une troisième fois en décembre 2003, le chef de l'État, pourtant gravement malade, est réélu avec 95,63 % des suffrages face à un candidat issu d'un parti allié, les autres opposants ayant préféré ne pas participer à un scrutin joué d'avance. Fin avril 2004, le premier ministre François Lonsény Fall profite d'un voyage à l'étranger pour démissionner, arguant que « le Président bloque tout ». Le poste reste vacant plusieurs mois avant d'être confié à Cellou Dalein Diallo, qui sera démis de ses fonctions en avril 2006.


Dans un état grabataire depuis plus de cinq ans, le Président Conté et son pouvoir, sous influence d'hommes d'affaires comme Mamadou Sylla, est de plus en plus contesté. Ainsi, en début 2007, éclate une grève générale réprimée dans le sang qui plonge la guinée dans une aventure très sombre.

 

La fin de l’ancien régime de putschiste

 

Le 22 décembre 2008, Lansana Conté décède des suites d'une longue maladie (leucémie et diabète aigus), à l'âge de 74 ans. Au cours de la nuit suivante, les proches du régime s'affairent pour organiser l'intérim suivant les procédures prévues par la parodie de Constitution mais le 23 décembre 2008 au matin, suite à l'annonce du décès de Lansana Conté, des dignitaires de l'armée annoncent unilatéralement la dissolution du gouvernement ainsi que la suspension de la Constitution, dans un discours à teneur résolument sociale.

 

Ces évènements laissent planer le doute sur l'effectivité d'un nouveau coup d'État. Le 24 décembre, le capitaine Moussa Dadis Camara est porté à la tête du Conseil national de démocratie et de développement (CNDD) et devient le troisième Chef d’Etat de la République de Guinée.

 

 

On le voit, durant toute cette longue période, la Guinée a traversé la turbulence, la misère et la pauvreté totale.

Mais cela a été prédisposé  par  l’irresponsabilité et la vacuité absolue de l’opposition qui a laissé exister une Constitution fictive taillée à la dimension de Conté  en échange d’intérêt égoïste. De plus, la vacance évidente de pouvoir en Guinée n’a pu être dénoncée ni par ces opposants ni par la société civile. Conté, en bon dictateur, n’a inspiré que la crainte et injecter la pauvreté dans sa population, au lieu d’y assurer le développement.

 

Le coup d’Etat intervenu, constitue une rupture avec les pratiques anciennes, donc un soulagement pour la population qui réclamait le changement depuis belle lurette.

 

 

 

La légitimité du putschiste de Noël

Le putschiste de noël, qui a été désigné par ses pairs à la tête du pouvoir à l’issue d’un tirage au sort, est jeune et n’a jamais fait l’objet de récrimination.

 

En effet, durant plus de 3 heures de discussions serrées et de négociations ardues que les militaires putschistes, pris dans l'impasse de tous les égos, ont décidé de se jeter dans les bras du hasard ou de la chance, en acceptant le principe du tirage au sort pour départager les protagonistes pour le poste de président du Conseil National pour le Développement et la Démocratie (CNDD). C’est donc en présence de gros calibres comme Sékouba Konaté et Toto Camara que  le tirage a porté sur celui qui était le seul visage connu du groupe, le capitaine Moussa Dadis Camara , ''fameux'' porte-parole des putschistes.

Moussa a le soutien des  militaires, des opposants et de la Communauté internationale.

Les partis de l'opposition comme le RPG d'Alpha Condé, l'UFR de Sydia Touré et l'UPG de Jean-Marie Doré ''prennent acte'' de la déclaration du Conseil national pour la Démocratie et le Développement d'organiser des élections libres, transparentes et crédibles d'ici à décembre 2010...
En adoptant une telle attitude politique, les opposants guinéens confirment que le coup d'Etat militaire était bel et bien un scénario inscrit dans leurs analyses de la transition politique souhaité en Guinée.

Aujourd’hui, le vainqueur, le capitaine Moussa Dadis Camara fait le ''Tour d'honneur'' de Conakry.

Le positionnement stratégique se veut pragmatique ; il compte sur la bonne foi et le patriotisme des putschistes pour qu'ils jouent les arbitres intolérants, en vue d'assuser une équité de traitement des différents partis et leaders politiques au cours des prochaines joutes électorales.
La population n’est pas divisée car les Guinéens ont compris qu’ils sont unis dans le malheur et s’associent à tout changement Démocratique.
Car, de cette évidence guinéenne, s’opère forcément un choix : entre la peste et le cholera, il faut préférer le cholera.

 

Selon certaines indiscrétions, il semblerait que certains Présidents de pays  voisins, amis à Conté, en raison de leurs  intérêts en Guinée, se préparent  pour attaquer le régime putschiste en place en vue de restituer le pouvoir aux partisans de l’ancien régime. Ces derniers ont déjà été interpellés par Abdoulaye Wade, Président de la République du Sénégal.

 

 

Y a t-il  une  bonne volonté des putschistes de faire revenir la joie ?
Les putschistes du CNDD, en se déclarant ouverts aux partis politiques, aux syndicats et à la société civile pour des négociations devant aboutir à la formation d'un gouvernement de transition, semblent bien montrer leur volonté de ne point ''s'éterniser au pouvoir'', comme ils le disent. Mais ces paroles rassurantes ne doivent pas faire baisser la vigilance des observateurs car partout dans le monde les deux schémas sont possibles.

Les partis politiques et la société civile, tout en participant au gouvernement de transition, devraient pouvoir s'affronter, sans s'adosser aux tenants du pouvoir. Aussi, les orphelins du PUP, parti de l'ex mouvance présidentielle ne sècheront pas de sitôt leurs larmes. Les ''partis alimentaires'' devront s'habituer aux pitances et les démagogues, comme de coutume sauront attendre leur heure...


Mais après la déclaration solennelle et officielle de prise du pouvoir par le Comité pour le développement et la démocratie (CNDD), l’une des premières décisions prises a été la dissolution du gouvernement, des partis politiques et des institutions républicaines. Mais, pour étendre son pouvoir sur l’ensemble du territoire national, le CNDD a cru devoir aller plus loin en limogeant tous les 33 préfets et les 8 gouverneurs de régions administratives…

Cette dernière décision est de trop, et appelle à quelques suspicions, car les Préfets sont de l’Administration centrale et leurs actions sont orientées par la politique gouvernementale. Il y a continuité de l’Administration et il devrait donc les maintenir en l’état. Où sont donc passés les opposants ?


L’objectif ne peut être atteint que si les jeux sont bien menés ; si des consultations démocratiques sont objectivement organisées et si le virus du pouvoir ne pique pas Moussa Dadis Camara et ses amis du Conseil National pour la Démocratie et le Développement, la voix et le choix du peuple pourraient bientôt se faire entendre.

C’est pourquoi, les Guinéens et la Communauté internationale doivent mener un suivi, rapproché des faits et gestes des nouveaux dirigeants de Conakry. Il s’agit  non pas des condamnations stériles devant la volonté de changement de tout un peuple, mais des actions constructives.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans Politique africaine

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