Crise tchadienne : la neutralité de Paris dérange.

Publié le par Denis-Zodo

Dans les crises qui surviennent en Afrique, c’est la France, bien souvent, qui est accusée de mettre le feu. Mais, ces anciennes colonies françaises ne disent rien au hasard. Elles connaissent bien le fonctionnement de la métropole d’antan. Si elles accusent, c’est qu’il y a aussi une part de vérité. Car, Paris, reconnaissons-le, a par le passé, joué flou dans ses relations avec les Africains. Rien qu’à observer la crise post électorale de 1991 en Algérie, l’inertie de la France au Rwanda en 1994, la situation inter ivoirienne en 2002 et le problème tchadien, on se rend à l’évidence, que le pays de Charles de Gaulle n’est pas resté étranger aux réalités vécues par ces Etats.

En 1991, alors que le Front islamique du salut (Fis), dirigé par Abassi Madani et Ali Bel Hadj, est bien parti pour gagner les élections, la France de Mitterrand prend peur, et avec lui, les lobbies juifs et chrétiens. Tous craignent la montée fulgurante du Fis, signe d’un islam qui gagne en notoriété. Le pouvoir en place en Algérie bloque les résultats et un cafouillage s’en suit. La main de Paris serait passée par là. Ce beau pays ne se retrouvera plus jusqu’à la fin des années 1990, défiguré par une guerre civile qui a engendré de nombreux morts.

Si au Rwanda, la France n’est pas directement liée à la survenue de la crise de 1994, il lui est reproché d’avoir regardé des Rwandais tuer d’autres Rwandais, alors que ses forces militaires présentes sur les lieux, pouvaient éviter ces désagréments aux populations.

En Côte d’Ivoire, cette même France a été accusée en septembre 2002 par le pouvoir, de soutenir la rébellion. Parce que selon les autorités ivoiriennes, Paris devait, eu égard aux accords militaires en vigueur entre les deux pays, empêcher la rébellion d’avoir une assise. Mais dans ce lapse de temps, freinée à Tiébissou dans son avancée sur Abidjan, la rébellion qui s’était basée à Bouaké, va de son côté, accuser la France d’avoir stoppé ses forces, parce que, selon elle, le chef de l’Etat Laurent Gbagbo aurait fait entre temps, des concessions aux sujets d’intérêts français en Côte d’Ivoire. Dont le contrat de gestion de l’eau et de l’électricité dans le pays, détenu par Bouygues. En novembre 2004, lorsque le président Gbagbo fait violer le cessez-le-feu en vigueur depuis l’installation des troupes françaises de Licornes en 2002, puis des forces de l’opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire en 2004, la France ne fait aucun signe pour empêcher les bombardements aériens des sukhoï 25 de l’armée ivoirienne. Les rebelles, devenus Forces Nouvelles depuis l’accord de Marcoussis en janvier 2003, tiennent la France responsable des nombreux dégâts matériels et humains dans leurs zones. « Il suffisait, déclarait Guillaume Soro chef de l’ex-rébellion, que les soldats français déposent au travers de la piste un véhicule pour que les avions de Gbagbo ne parviennent plus à voler ». Toujours est-il que lorsque le bombardier déverse le 6 novembre 2004 ses munitions sur le camp français de Bouaké, Paris réplique aux neuf soldats tués et à la trentaine de blessés. Les aéronefs sont détruits et les partisans de Gbagbo s’attaquent aux Français et à leurs biens. Ils accusent donc Paris de faire le jeu des ex-rebelles.

Au Tchad aussi, la France a joué sur cette situation confuse qui dure depuis. Il semble que l’objectif était de faire chanter les pouvoirs successifs en place. En tout cas, Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis une vingtaine d’année, grâce à une rébellion armée, ne dira pas le contraire. Quand il veut ce que la France veut, la rébellion est mâtée. Quand il s’oppose, la voie est libre pour les rebelles.

 

La rupture de Sarkozy

 

 Quand Nicolas Sarkozy arrive en 2007 au pouvoir, l’homme d’Etat jure de rompre avec les anciennes pratiques de la France. Son pays ne jouera plus les colons en Afrique, rassure-t-il. Comme ce fut le cas par le passé. Sarkozy, contrairement à Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac, … estime qu’il faut accorder aux pays africains leur vraie indépendance. C’est salutaire.

Mais là où le bât blesse, c’est lorsque la France de Sarko déclare haut et fort qu’elle n’est plus là à protéger des pouvoirs, inconsciemment, elle laisse la porte ouverte à tous les abus. Doit-on comprendre que dès lors, n’importe qui pourra se faire armer par un ami ou un lobby pour attaquer impunément un régime, fût-il démocratique et sans reproches ?

En ce qui concerne le Tchad, la neutralité de la France pose problème. Bien que salutaire, elle est interprétée autrement, selon la position des forces en présence. Le pouvoir en place au Tchad accuse Paris de regarder la chienlit s’installer. Les rebelles eux, ne sont plus inquiétés par une quelconque riposte française. Fort heureusement que la France a tenu à repréciser sa pensée. Elle tient, en effet, à l’indépendance des Etats africains. Certes. Mais, elle ne regardera pas l’Afrique brûler. Autant dire que n’importe qui ne viendra pas faire n’importe quoi.

Mais pour que la France puisse jouer franc jeu, il lui faut attirer l’attention des gouvernants sur la nécessité d’instaurer une vraie démocratie dans leurs Etats respectifs. S’ils sont en phase avec l’opinion nationale et la Communauté internationale, les pouvoirs ne pourront que bénéficier du soutien de tous, devant une rébellion injuste. Mais si nos chefs d’Etats s’empêtrent dans la dictature, il y aura toujours des enfants du pays, qui prendront prétexte de cette façon de gouverner pour prétendre instaurer la justice et la démocratie. Tout est une question de clarté. C’est à la France nouvelle de jouer cette partition.        

Publié dans Politique africaine

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