Qui a tué le président rwandais en 1994?

Publié le par Denis-Zodo

Le décès de Juvénal Habyarimana avait déclenché le génocide rwandais. A Kigali, un nouveau rapport souligne la responsabilité d'extrémistes hutus, contredisant les conclusions d'une enquête française.

Le 6 avril 1994, deux missiles sol-air atteignent l'avion du président rwandais d'ethnie hutu, Juvénal Habyarimana, en phase d'atterrissage à Kigali. Cet événement qui lui coûta la vie est considéré comme le déclencheur du génocide qui fit 800 000 morts, notamment parmi les Tutsis, accusés par le pouvoir d'avoir provoqué cet attentat, ainsi que des Hutus qui refusaient de participer aux tueries.

Mais la thèse de la responsabilité tutsi dans cet attentat s'effrite au fil des années. Un comité rwandais créé en avril 2007 par le gouvernement rwandais conclut à la responsabilité de haut gradés des FAR (Forces armées rwandaises), soit la frange extrémiste du régime hutu. Ce rapport, dont le magazine Continental et France Inter ont déjà diffusé des extraits, décrit cet attentat comme le premier acte d'un "coup d'Etat" militaire destiné à empêcher tout partage du pouvoir avec la rébellion tutsi du FPR (Front patriotique rwandais), dont l'ancien chef, Paul Kagamé, est devenu président.

Juvénal Habyarimana était en effet de retour de Tanzanie où il avait participé à un sommet consacré notamment au processus de négociations avec la rébellion du FPR. Le comité souligne que "la position prise par le président Habyarimana (...) d'appliquer les Accords d'Arusha ne pouvait aboutir qu'à la mise à l'écart évidente de plusieurs ténors des FAR, parmi les plus extrémistes". D'après Continental, il était devenu un traître à la "cause hutu" aux yeux des "militaires acquis aux thèses du Hutu Power". Dès lors, son assassinat et le déclenchement du génocide semblaient "imminents", selon le magazine.

Le comité s'appuie sur des documents du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), sur des sources judiciaires rwandaises et belges, sur les témoignages de 557 personnes, notamment des anciens des FAR ou des membres de la garde présidentielle présents autour de l'aéroport de Kigali, le jour de l'attentat. Il souligne aussi que les FAR contrôlaient la zone d'où ont été tirés les missiles

L'enquête rwandaise donne donc une version diamétralement opposée de celle soutenue par l'enquête judiciaire française confiée dans un premier temps au juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, qui mettait en cause la responsabilité de la rébellion du FPR dans l'attentat. Le juge Bruguière avait lancé en novembre 2006 des mandats d'arrêt contre neuf responsables de l'actuel régime rwandais, entraînant une rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.

Contacté par LEXPRESS.fr, le juge Bruguière, désormais à la retraite, se refuse à tout commentaire sur ce "sujet franco-français qui s'inscrit dans un contexte polémique", ne souhaitant pas interférer dans une "affaire en cours". Le juge anti-terroriste Marc Trevidic est désormais chargé du dossier.

Paris et Kigali ont annoncé la reprise de leurs relations le 29 novembre dernier. En tournée en Afrique, le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner effectue ce jeudi même sa première visite au Rwanda depuis cette annonce.

Publié dans Politique africaine

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