Le foot africain, côté cours

Publié le par Denis-Zodo

Après avoir fait ses preuves au Sénégal, un second centre de sport études gratuit ouvre en Afrique du Sud.

Il est impatient. Ses affaires - quelques maillots de foot - attendent dans un coin de la chambre. A la mi-janvier, Elias, 13 ans, va intégrer, avec dix-neuf autres Sud-Africains de son âge, le centre de Diambars, les «guerriers» en langue wolof, du nom de son modèle sénégalais. Ils forment la première promotion de ce tout nouveau sport études installé à Ekurhuleni, dans la province du Gauteng, près de Johannesburg. C’est le deuxième centre Diambars créé sur le continent africain par un trio de footballeurs : Jimmy Adjovi-Boco, ancien joueur du RC Lens et international béninois, et les champions du monde français Bernard Lama et Patrick Vieira.

L’idée : amener les enfants sur les bancs de l’école grâce au foot. Cette implantation en Afrique du Sud n’est pas un hasard. «On a forcé un peu pour pouvoir commencer en 2010. Il ne fallait pas être absent pour la Coupe du monde en juin, la première sur le continent africain», reconnaît Jimmy Adjovi-Boco.

Elias, comme les autres, a été sélectionné sur ses capacités sportives. «J’ai de la chance, reconnaît-il. Je sais que c’est une grande opportunité dans ma vie.» Il rêve déjà du championnat anglais, de Manchester United et de Giggs, son joueur préféré. Pour rejoindre le centre de formation, l’adolescent va devoir quitter ses parents qui habitent à plus de deux heures de là.

Bac. Dès la rentrée, un programme rigoureux l’attend : cours tous les matins de 7 h 30 à 14 heures ; déjeuner et sieste ; entraînement de 16 heures à 18 heures, suivi des devoirs, et coucher à 21 h 30. Sauf les soirs de match bien sûr. «C’est une chance pour eux d’avoir intégré le centre, mais ce n’est pas non plus un cadeau car ils doivent beaucoup travailler», explique Djelloul Habchi, le directeur. En Afrique, 70% des enfants ne sont pas scolarisés ou fréquentent irrégulièrement l’école. C’est pourquoi la priorité est donnée à l’enseignement, même si, dans toutes les têtes, c’est le foot qui règne en maître.

Soutenu par l’Unesco, Diambars est plus qu’une énième académie de foot en Afrique. «L’objectif est de leur offrir une scolarité gratuite et de les amener au bac», affirme Djelloul Habchi. Pour qu’ils réussissent leur vie, avec ou sans ballon puisque seuls 10% feront de ce sport un métier. Diambars, c’est aussi un rempart contre les agents véreux qui exploitent les rêves de gloire et d’Europe des jeunes Africains. «Leurs principales cibles sont les habitants des quartiers pauvres qui n’ont d’autre alternative que le foot pour vivre et qui sont disposés à prendre des risques pour arriver en Europe», analyse Raffaele Poli, chercheur au Centre international d’étude du sport de Neuchâtel (Suisse).

Le centre d’Afrique du Sud s’appuie sur des bases solides de l’institut Diambars, à Saly, au Sénégal, créé en 2003, qui privilégie une approche transversale où le foot est aussi un instrument pédagogique : par exemple, en observant un ballon qui rebondit, on s’initie aux lois du mouvement et des forces. «Aujourd’hui, au Sénégal, nous avons de vrais résultats à présenter : un taux de réussite de 66% au bac, bien au-dessus de la moyenne nationale, et l’équipe nationale junior est composée pour plus de la moitié par nos jeunes», se félicite Jimmy Adjovi-Boco. Il peut aussi se targuer d’avoir trouvé un vrai modèle économique avec un budget de 6 millions d’euros pour cinq ans. «Souvent, les projets de développement ont besoin d’être financés ad vitam aeternam. Alors que le nôtre s’autofinance au bout de cinq ans et va même permettre de financer d’autres projets, notamment grâce aux transferts vers des clubs européens.» Le centre de Diambars entend former une génération de joueurs «conscients». «Il est important que, plus tard, ils jouent un rôle dans le développement de leur pays et de leur continent», souhaite Jimmy Adjovi-Boco, selon Libération.

«Boucle». Un état d’esprit intégré par les premières promotions : Idrissa Gana Gueye, 20 ans, a signé au Losc Lille Métropole en 2008 et, lorsqu’il rentre au pays, entouré de tous ces jeunes qui aimeraient être à sa place, il mesure sa chance. Pour Bernard Lama, qui a commencé sa carrière au Losc, «c’est une boucle qui se ferme. Voir nos gamins pris en charge par les gens avec qui je jouais il y a trente ans, c’est extra». Les motifs de fierté ne devraient pas manquer à l’avenir, car Diambars entend faire d’autres petits, en Afrique et ailleurs.

Publié dans sport

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