Déchets toxiques d’Abidjan: l’argent contre la vie humaine
En août 2006, tout le monde s’en souvient, Trafigura, une société multinationale avait affrété le Probo Koala, un bateau néerlandais, pour le déversement de plusieurs tonnes de déchets toxiques à Abidjan, la capitale économique ivoirienne. Déposés en différents lieux du district d’Abidjan, ces déchets ont fait 17 morts et des milliers d’intoxiqués par inhalation, ont estimé les autorités judiciaires ivoiriennes. Les spécialistes d’enlèvement de ces types de déchets, venus de France pour débarrasser la ville de « ces tueurs », n’ont pas réussi à tout ramasser. Puisque des endroits n’ont pas été repérés, en raison de leur éloignement. Mais le vent soufflant dans toutes les directions, il est indéniable que les populations respiraient dans l’ignorance totale, et à grands coups, l’odeur de ces sloops.
Pour échapper à la justice, Trafigura va alors parer au plus pressé, payant en juillet 2007, à l’Etat de Côte d’Ivoire, la somme de 100 milliards de FCFA, l’équivalent de 152 millions d’euros. Les autorités ivoiriennes vont alors surseoir à toute poursuite judiciaire contre la multinationale. Mais le partage de ce butin se fera dans l’injustice totale, selon des victimes qui attendirent en vain leur 200 mille FCFA, soit un peu plus de 300 euros. A en croire des informations, seul le quart de cette somme reçue par l’Etat a été reversé aux victimes. Mais là aussi, l’on apprend que les responsables qui étaient au devant de la répartition, faisaient plutôt bénéficier leurs proches qui n’en étaient pas victimes. Une véritable injustice doublée de laxisme, propre à nous, Africains.
Mais Trafigura qui croyait se débarrasser des Ivoiriens sur le dos, des victimes qui se sont organisées, portant plainte devant la justice londonienne, par l’entremise d’un cabinet d’avocats. Le 21 juin dernier, ces 31 mille victimes ont crié victoire, leur plainte ayant été acceptée au Royaume-Uni. La multinationale mettra encore son pouvoir financier pour amener les plaignants à mettre fin à leurs poursuites judiciaires. Dans la nuit du samedi 19 au dimanche 20 septembre dernier, Trafigura réussira à s’accorder avec les avocats des victimes. Elle s’engage à payer 33 millions d’euros aux 31 mille victimes. Elles, en demandaient 198 millions d’euros. Chacun des 31 mille devraient alors entrer en possession de 750 mille FCFA. Ce qui n’est pas rien ici en Côte d’Ivoire, un pays en crise depuis septembre 2002. Le pouvoir d’achat s’est accrue, quand la pauvreté est allée grandissante. Comme contraintes par la situation difficile qu’elles traversaient avec leur pays, ces victimes n’ont pas eu d’autres choix que d’accepter l’offre. Mais beaucoup reconnaissent qu’ils ont été abusés par Trafigura et surtout par leurs avocats qui se seraient laissé corrompre par la multinationale. Car, à dire vrai, 750 mille FCFA, c’est peu pour la souffrance endurée, mais également pour les médicaments achetés qui s’élèvent chez certains, à au moins un million de FCFA. D’un autre côté, le président de la Fédération nationale des Associations des victimes des déchets toxiques, Yao Denis Pipera, estime que c’est injuste de cibler 31 mille victimes, puisque selon lui, des milliers de victimes continuent de souffrir. Ce qui laisse supposer d’autres actions contre Trafigura qui déclare que l’argent mis à la disposition des victimes ne veut pas dire qu’ils reconnaissent leur responsabilité dans cette affaire. Selon la société, les produits déversés n’étaient pas toxiques au point de tuer. Les 17 morts, de l’avis de cette société, ne seraient pas le fait de ces déchets. « C’est une action sociale », poursuit Trafigura. Une attitude jugée insultante par Greenpeace. De l’avis de cette ONG environnementale, Trafigura doit payer pour ce crime. Une action judiciaire devant, selon Greenpeace, être menée, pour situer les responsabilités des crimes commis. Car, à l’en croire, si la multinationale accepte de payer de l’argent à l’Etat de Côte d’Ivoire et aux victimes, c’est une reconnaissance de son implication dans la mort et l’intoxication des victimes. C’est pourquoi, un procès pourrait s’ouvrir à Amsterdam dans les prochains mois. En tout cas, Greenpeace ne veut pas lâcher du lest. Elle dit ne pas être à la recherche d’argent, mais plutôt de la vérité et du rétablissement de la justice qui n’a pas encore prévalu, selon elle.