Identification et enrôlement : les règles du jeu changent en plein match

Publié le par Denis-Zodo

 

En prévision des élections générales à venir en Côte d’Ivoire, l’identification des populations et l’enrôlement des électeurs ont été officiellement lancés le 15 septembre dernier à Yamoussoukro et le 29 septembre de cette année à Abidjan. Bon an mal an, ces opérations couplées se déroulent sur le terrain. Des individus ont certes tenté de troubler l’ordre qui régnait dans les centres de collecte. Toutefois, jusque là, les Ivoiriens se font identifier et enrôler. Mais là où le bât blesse, ce sont les changements qui sont en train d’être opérés sur le mode opératoire de ces opérations. Car, depuis ce jeudi 23 octobre, il est demandé aux requérants qui se présentent aux agents d’identification et d’enrôlement, les photocopies des pièces qui leur sont exigées pour leur identification et leur enrôlement. Photocopies qui, dit-on, restent en possession des agents recenseurs. Or, au début desdites opérations, c’est-à-dire jusqu’au mercredi 22 octobre, ce n’était pas le cas. Les informations sur cet état de fait, nous ont été rapportées par des sources fiables, bien avant même l’entrée en vigueur de cette décision. C’est dire que ce ne sont pas des propos en l’air. Mieux, daté du 21 octobre, et publié dans le quotidien d’informations générales « Le Nouveau Réveil » du jeudi 23 octobre, une circulaire du premier ministre Guillaume Soro a confirmé l’information. « La présente circulaire a pour objet d’instruire les acteurs de l’opération d’identification et de recensement électoral, des dispositions pratiques concernant les pièces à fournir, les éléments formels de contrôle desdites pièces et des recours ouverts en la matière », mentionne le libellé de la circulaire. Des changements qui, visiblement, conduisent à des interrogations, mais qui, également sont source de doute et d’inquiétudes au sein des partis politiques, adversaires du parti au pouvoir, le Front populaire ivoirien (FPI). Des photocopies maintenant, pour quoi faire ? Et pourquoi pas avant ? Gbagbo et le FPI qui semblent déroutés par leur impopularité au sein de la population ivoirienne, ne veulent-ils pas procéder autrement, après l’échec de la frauduleuse « opération inondation », initiée il y a peu ? L’Institut national de la statistique (INS), dont les premiers responsables sont membres du FPI, n’ont-ils pas à cœur de se servir de ces photocopies pour établir des pièces pour leurs partisans dans leurs différents fiefs, afin que ceux-ci votent deux fois pour leur parti, le FPI ? Autant de questions qui viennent à l’esprit des membres de l’opposition ivoirienne et qui ont leur raison d’exister. « Parce que avec un parti aussi assoiffé de pouvoir que le FPI, on ne sait jamais », arguait récemment un membre influent de l’opposition.

 L’opposition ivoirienne n’est pas à sa première expérience dans de tels revirements de situation. En 2006, sous la pression du parti au pouvoir, le premier ministre d’alors, Charles Konan Banny, avait changé les règles du jeu en plein déroulement des opérations des audiences foraines, censées délivrer des jugements supplétifs à ceux qui n’en avaient jamais reçu. Un de ses influents conseillers aux affaires juridiques avait eu un samedi, une séance de travail, exclusivement avec des hommes de droit du FPI, à l’insu des membres de l’opposition. Et quelques jours plus tard, le mode opératoire des audiences foraines avait changé sur le terrain du déroulement de ces opérations. Ce, à la grande surprise des Ivoiriens et de l’opposition politique. Le comble dans tout cela, c’est qu’à chaque fois qu’il y a de nouvelles mesures, on ne prend pas le temps nécessaire d’informer tous les acteurs politiques et d’expliquer les choses en long et en large à la population et surtout aux nombreux analphabètes qui ne savent ni lire un communiqué publié dans la presse, ni analyser une situation d’eux-mêmes.

Cette fois, avec les photocopies exigées, il se pose nécessairement un problème de coût financier. La population, déjà démunie, croupissant sous le poids de la cherté de la vie, pourra t-elle faire face à cette autre charge ? Ou bien, la Commission électorale indépendante (CEI) a-t-elle les moyens de mettre dans tous les nombreux centres de collecte, des photocopieuses à la disposition des requérants ? C’est aussi là la grande question liée aux difficultés financières qui pourraient se poser. Seulement, nos hommes politiques devraient avoir du respect pour ceux qui les font et à qui ils doivent tout : nous voulons parler des pauvres populations qui souffrent des conséquences des politiques mal ficelées de nos dirigeants.

 

                                    De la sécurisation des opérations

 

Après les attaques qui ont eu lieu contre des centres de collecte, il a été jugé nécessaire de mettre effectivement en marche, le Centre de Commandement Intégré (CCI), force militaire créée par l’accord de Ouagadougou, et composée d’éléments de l’ex-rébellion et de forces loyalistes (FAFN et FDS). Ainsi, ces deux forces mixtes pourront patrouiller en zone ex-rebelle et en zone gouvernementale pour éviter que des centres de collecte ne soient l’objet d’attaques de la part d’individus de mauvais acabit. Mais à l’analyse, la situation s’avère plutôt difficile. Car, si au nord, les populations acquises aux Forces nouvelles peuvent accepter la présence d’éléments FDS, qui vont et viennent chaque jour dans le cadre des visites du chef de l’Etat et de la première dame en zone ex-rebelle, ce n’est forcément pas le cas pour les populations du sud, pro-Gbagbo, d’accepter les éléments FAFN en patrouille dans la zone gouvernementale. Et cela, faut-il le relever, risque de créer un problème dans la sécurisation des sites d’identification et d’enrôlement. Ce n’est un secret pour personne, les partisans de Gbagbo ont la rancune tenace et ne tiennent surtout pas à pardonner l’attaque du 19 septembre 2002 et tout ce qui a suivi ces événements.

A la vérité, avec toutes ces difficultés, la Côte d’Ivoire n’est pas encore sortie de l’auberge. Pour les trente (30) à quarante cinq (45) jours fixés donc pour la tenue de ces opérations, il est clair que ce délai ne peut être respecté. Encore des blocages !

 

 

 

 

Publié dans Politique ivoirienne

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D
Bonjour alicia,<br /> merci pour vos visites sur mon blog,qui est une lucarne. En Côte d'Ivoire, nous sommes dans une situation unijambiste. En effet, après plusieurs séances de formation aux différentes étapes du processus électoral, on suspend la toute dernière étape avant ces élections. Et on repart pour une nouvelle formation des agents recenseurs. Alors, on constate qu'on fait du sur place. <br /> A bientôt Denis Zodo
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A
Hélàs, ce n'est pas simple là-bas non plus. <br /> Je passe vous lire de temps en temps, j'apprécie beaucoup.<br /> A bientôt.
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D
<br /> <br /> Bonjour Aliciabx,<br /> Merci pour vos visites sur mon blog, qui est une lucarne. En Côte d'Ivoire, nous sommes dans une situation électorale unijambiste. En effet, après plusieurs séances de formation aux différentes<br /> étapes de processus électoral, on suspend la toute dernière avant ces élections. Et on repart pour une nouvelle formation des agents recenseurs. Alors, on constate qu'on fait du sur place.<br /> Cordialement Denis Zodo<br /> <br /> <br /> <br />