Madagascar, c’est fou !!!
C’est devenu une tradition pour les malgaches. Chasser les Chefs d’Etat avec la rue est pour eux l’option la mieux appropriée. Et la Mairie d’Antananarivo (Tana), la capitale, semble être la voie pour cette option. En 2001, alors qu’il était le maire de la capitale malgache, Ravalomanana était sorti de nulle part pour concurrencer Didier Ratsiraka, alors Chef de l’Etat. Les résultats de l’élection de décembre 2001, contestés par le Ravalomanana lui avaient été finalement favorables grâce à l’apport du peuple qui avait pris la rue pour chasser le Président sortant Ratsiraka du pouvoir. En fait, les Malgaches n’avaient pas voté pour Ravalomanana, mais contre Didier Ratsiraka, parce que ce dernier était vomi par la population. Aujourd’hui, l’histoire se répète. Le peuple ne connaît pas assez le jeune maire Andry Rajoelina. On le trouve même sans expérience, et lui-même le reconnaît. Mais pour avoir été un meneur d’hommes et un homme d’initiatives, devant une opposition inerte qui ne joue pas son rôle, le peuple l’a adopté, pour contester l’actuel Président qui a fini par décevoir tout le monde. Aujourd’hui, le soutien du peuple à Rajoelina s’explique plus par la déception du peuple vis-à-vis de la politique de son adversaire que par amour pour lui. Même si l’on reconnaît que l’actuel maire est jeune, dynamique, et fonceur comme un « TGV », surnom qu’il a d’ailleurs reçu du peuple.
Toujours est-il que samedi, une folie s’est emparée de Tana où le bras de fer entre le Président malgache et le maire de la capitale, après un meeting, particulièrement court, avait appelé ses partisans à aller déloger le Chef de l’Etat de la Présidence. La garde présidentielle a alors ouvert le feu, sans sommation, sur la foule. La ministre de la défense, Cécile Manorohanta, a annoncé sa démission, pour dénoncer la répression. Aussitôt, elle a été remplacée par le vice-amiral Mamy Ranaivoniaro, l’ancien directeur de cabinet militaire auprès de la Présidence. Depuis fin janvier, entre le Président et le maire, c’est la guerre des mots et des actes. Le maire avait annoncé la mise en marche de la destitution du Président, mais c’est plutôt lui qui a été destitué par les autorités malgaches. De là, arriver à un bain de sang relève de la folie tout simplement. La Présidence avait-elle besoin de tirer à balles réelles sur la foule de manifestants pour les disperser ? Il existe plusieurs moyens de dispersion des manifestations. Les jets d’eau chaude et des tirs à balles blanches ou chaudes, ou dans une moindre mesure, du gaz lacrymogène. Pourquoi tirer à balles réelles sur des manifestants aux mains nues ? Des individus à qui Ravalomanana a promis monts et merveilles en 2002 sans tenir promesses. Andry Rajoelina avait-il lui aussi besoin de destituer par la force le Président ? C’est un affront. Pourquoi ne pas laisser le Président, puisqu’il a été élu, finir son mandat qui prend fin en 2011, pour le chasser du pouvoir par les urnes ? D’ailleurs, il n’aurait pas le tiers des votants puisqu’il a menti depuis dix ans au peuple. Croyons-le, chacun de ces deux personnalités a sa responsabilité engagée dans cette affaire. Mais Ravalomanana doit toute cette fronde sociale réussie à la gestion qu’il a faite du pouvoir d’Etat depuis son accession à la magistrature suprême en 2002.
Les fautes de Ravalomanana
L’homme, alors qu’il promettait d’être un Président juste à la tête de Madagascar, a presque basculé dans la dictature. La fermeture par lui, de la chaîne de télévision Viva du jeune maire de Tana a mis le feu aux poudres. La cherté de la vie, marquée par des mouvements sociaux réprimés dans le pays, a rendu difficile le quotidien des malgaches. Et pourtant, l’homme a osé acheter un Boeing 737 d’une valeur de 60 millions de dollars. Cela veut dire que le Président se moque de la souffrance du peuple. Car, le prix d’un litre d’essence est supérieur à un euro, un sac de riz quasiment au prix du SMIG, soit près de 30 euros. Il semble également qu’il y a des entrepreneurs malgaches bien lésés par les interventions du Président pour favoriser son entreprise nommée Tiko. Il aurait aussi spolié de nombreux Malgaches de leurs terres, qu’il aurait louées à une société sud-coréenne. Le Président qui n’aurait aucune attitude de démocrates, a dit-on, bloqué les financements de la mairie de la capitale, pour empêcher le maire Andry Rajoelina de réaliser ses projets de développement, parce que celui-ci ne serait pas de la formation politique que lui. Des faits qui donnent totalement raison à son adversaire, même si celui-ci utilise des moyens peu légaux pour faire partir le Président.
Médiations tous azimuts
Devant l’escalade de la violence, et le refus du maire d’abdiquer, l’organisation des Nations Unies qui a appelé le gouvernement malgache à traduire en justice les responsables de la mort des 28 manifestants, a dépêché samedi soir, un proche collaborateur du secrétaire général Ban Ki-moon, Haile Menkerios. L’Union africaine a également emboité le pas à l’organisation mondiale. L’UA a envoyé lundi, l’Ivoirien Essy Amara pour jouer les médiateurs entre les deux hommes. Les deux hommes ont sans aucun doute du pain sur la planche, après autant de morts que le jeune maire voudra à tout prix venger. On peut dire que la tension est toujours vive à Madagascar. Pourvu que Haile Menkerios et Essy Amara parviennent à calmer les esprits, surchauffés de part et d’autre.