L’origine réelle des conflits ethniques et tribaux en Afrique

Publié le par Denis-Zodo

 

L’Afrique en générale et la Côte d’Ivoire en particulier ont sombré dans conflits internes : les conflits dont les sources principales sont la terre et l’eau. Ces conflits récurrents ont affecté généralement des pays dont la prospérité a fait l’objet d’attraction de plusieurs étrangers sur son sol pour des raisons économiques, et qui connaissent une période de récession aujourd’hui. De ce contact, il va sans dire que la rareté des richesses dans certaines zones et l’accroissement de la pauvreté conduisent à la difficulté de gestion des sources économiques qui sont la terre et l’eau.

Ces principales sources économiques sont vitales pour tout Etre. Les gérer de façon équitable et durable constitue un problème majeur auquel les politiques, chercheurs, et traditionalistes ne trouvent de solutions idoines malgré leurs efforts quotidiens. De toute évidence, ces ressources économiques et vitales placent certains groupes en état d’exclusion et alimentent la convoitise des indigents, choses qui prédisposent aux conflits. Le droit du sol, droit traditionnel ou moderne n’a pas suffit à régler le problème des terres. Or, selon le rapport de l’atelier thématique de DAKAR, « les enjeux liés à l’accès équitable de la terre sont liés au fait que cette ressource constitue l’une des substances essentielles des activités productives en milieu rural ». On l’a vu, l’aggravation de la crise dans les zones arides et semi-arides et l’instauration d’une insécurité alimentaire généralisée s’accompagnent de l’exacerbation des conflits liés à l’accès à la terre ou au contrôle des ressources naturelles. Cela, parce que la culture est la principale activité économique en Afrique. De toute logique, sont nés des conflits entre agriculteurs et éleveurs dans les pays du Sahel, les conflits pour le contrôle des ressources minières en sierra Leone et au Libéria et enfin des conflits fonciers en Côte d’Ivoire. Or, dans plusieurs pays africains, la question de l’insécurité foncière et l’accès précaire aux terres de culture ou même de zones de parcours sont des questions majeures devant lesquelles la justice est inefficace, en raison de leur complexité. Une étude menée en 2000 par un sociologue Ivoirien a rangés les conflits fonciers en cinq groupes selon leurs caractéristiques propres :

Ø      Les conflits entre les parents pour l’héritage, le partage de l’exploitation ou la mise en valeur des cultures pérennes ;

Ø      Les conflits entre cédants (autochtones) et cessionnaires (allogènes ou étrangers) en raison de clause contractuelle ;

Ø      Les conflits entre cessionnaires et héritiers en l’absence de clause légale écrite ;

Ø      Les conflits sur les limites de parcelles cédées en raison du défaut de bornage ;

Ø      Conflits éleveurs et agriculteurs liés aux dégâts causés par les animaux libres dans les plantations locales.

 

En Côte d’Ivoire, les sources de ces différents conflits sont diverses. Elles s’analysent au plan économique ; la Côte d’Ivoire florissante hier a accueilli jusqu’à 35% d’étrangers sur son sol. A l’heure de la récession économique, bon nombre d’Ivoiriens en difficulté financière, veulent se replier sur les parcelles de leurs parents, déjà mis en valeur par les étrangers ou Ivoiriens venus d’autres régions. La difficulté liée à la reprise de ces terres, témoignent des conflits récurrents, car les parents ont tout vendu et souvent dans des conditions irrégulières.

La situation foncière qui impose une concurrence atroce entre demandeurs urbain et rural est très criante. L’extension des villes et la déforestation a amplifié le phénomène de la rareté des terres.

C’est donc une compétition à haut risque pour l’accès à la terre en dépit de l’existence de droits non équitables d’accès à la terre.

 

Au plan politique et institutionnel

La politisation des questions foncières a contribué à l’éruption et à l’exacerbation des conflits dans un contexte de faible efficacité de mécanismes institutionnels de prévention des conflits ou de régulation de l’utilisation des ressources communes.

En Côte d’Ivoire, dans le cadre d’une étude menée en 2000 sur les conflits fonciers meurtriers dans plusieurs régions du pays opposant autochtones et allogènes, des causes politiques majeures ont été identifiées.

En effet, l’histoire rurale mouvementée, mise en œuvre par la politique ambiguë d’Houphouët Boigny selon laquelle «  la terre appartient à celui qui la met en valeur » a été diversement interprétée et a aiguisé la méfiance et la haine.

Pendant cette période, la grande majorité des étrangers Burkinabé et des Baoulé du centre occupaient de grandes portions de terres dans des régions du sud appartenant aux Krou et autres groupes ethniques. L’explication donnée de ce slogan par les politiciens de gauche a crée des appréhensions et la méfiance de la part des cédants, propriétaires des terres.

Dès lors, la collaboration entre les hôtes et leur tuteurs a commencé a être dévoyée.

En réalité, ce slogan, loin de ces interprétations subjectives, visait à inciter tous les Ivoiriens à l’exploitation des terres, c'est-à-dire à favoriser une mise en valeur accélérée des ressources agricoles et inculquer aux populations rurales un système de pouvoir clientéliste citadin.

Ce slogan sera  au centre des discours politiques et même dans les compétitions politiques entre dirigeants originaires de différentes régions. Cette irruption dans le champ de compétition autour des ressources foncières a constitué la dominante des joutes électorales entre diverses forces politiques jusqu’aujourd’hui.

La Côte d’Ivoire, avec 35% de population étrangère représente le pays le plus ouvert dans le monde. Cela a été possible grâce à la politique d’hospitalité reconnue aux Ivoiriens. Et, c’est grâce à cette ouverture, que les frères de la sous région ont contribué au développement économique du pays. Selon Jean Paule Chausse, (un expert de la banque mondiale) « Il n’aurait jamais été possible de faire de la Côte d’Ivoire ce premier producteur  de cacao au monde avec la main d’œuvre Ivoirienne ».

Les tensions qui ont alimenté la haine des étrangers se trouve aussi dans la candidature à la magistrature suprême d’Alassane Dramane Ouattara, ressortissant du nord, dont la nationalité ivoirienne est contestée. Les politiciens locaux ont trouvé en leurs hôtes Burkinabé des intentions politiques, celles de soutenir Alassane Ouattara. De façon prosaïque, on entendait dire, « ils vont habiter chez nous, manger notre nourriture et nous commander après », parlant des Burkinabé.

On le voit, les politiques ont galvaudé le champ des ressources foncières ivoiriennes au point où les mécanismes institutionnels de régulation de l’utilisation des ressources communes et de prévention des conflits sont devenus fragiles. Le plan foncier rural ( PFR) et le projet national de gestion du terroir ( PNGTER) mis en place sont inefficaces. L’activation de la loi de 1998, la loi portant code foncier, vient réguler la relation de l’homme à la terre. Ces reformes initiées par les autorités ivoiriennes contribuent dans l’ensemble, à accroître davantage les enjeux politiques du foncier et les ressources naturelles.

Les situations d’inégalité croissante perdurent dans des incohérences de législation.

Les tensions et conflits récurrents entre différents secteurs qui revendiquent quelques fois les mêmes droits, témoignent d’une obscurité criante ou d’une inaccessibilité de la loi dans le domaine foncier.

Par ailleurs, au plan social, la paupérisation accrue rend encore plus complexe la gestion équitable des ressources naturelles. Ainsi, entre différents groupes ethniques obligés de cohabiter en dépit de pratiques différentes, les conflits sont des signes évidents de mariage culturel.

A l’instar des pays africains, la population ivoirienne dans sa grande majorité est analphabète.

Or, ces populations sont informées de façon sélective (selon les intérêts des intervenants) ou très mal informées des dispositions de la loi foncière.

Dans ces conditions, la prise de conscience collective des conflits fonciers dont sont victimes les pays africains doit inciter à une lecture plurielle des conflits et y dégager la pluralité de cause selon le cas. Comme on le voit, les origines des conflits et des foyers de tensions rendent difficile la recherche de solutions.

Pourtant, la recherche de solutions s’impose à nous. Il faut donc créer une procédure d’arbitrage de ces conflits, créer un espace de dialogue pour canaliser les sources de tension, prendre en compte dans l’accès à la terre la question de citoyenneté et ethnique, et trouver un compromis qui permettrait la satisfaction équitable en cas de conflit.

Enfin, pour atteindre efficacement les objectifs assignés à ces actions, il faut une volonté politique et une application effective des sanctions concernant l’incitation politique à la violence.

 Il faut, en outre, mettre en place un mécanisme de communication adapté entre les parties, et instaurer la loi sur le foncier dans les enseignements au plan national.

 

 

 

Publié dans Politique africaine

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article