Mugabe le dictateur ou le justicier

Publié le par Denis Zodo

Robert Mugabe, ancien héros de l’indépendance, jadis porteur de tous les espoirs de son peuple, est à la tête du Zimbabwe depuis 1979. Après plusieurs mandats présidentiels, son pouvoir est taxé aujourd’hui de corrompu et de dictatorial. Sa gestion décriée et son impopularité  ont plongé le pays dans un marasme économique sans précédent non sans alimenter des violences multiformes. Malgré la détermination de la communauté internationale à le combattre coûte que coûte et la concurrence agressive d’une opposition radicale montante, il s’accroche au pouvoir par tous les moyens. D’où tire-il cette confiance et cette légitimité ? Comment celui qui défendait les droits de son peuple est devenu corrompu ? Autant de questions auxquelles des réponses s’imposent.

C’est un secret de polichinelle, Gordon Brown, et autres occidentaux exerçaient des pressions énormes sur lui, mais en dépit de tout, il est resté à la barre avec toutes  ses marges de manœuvre. En effet, frappé par des sanctions européennes depuis 6 ans, auto-exclu du Commonwealth et mis par les Américains sur la liste des présidents ou chefs d’Etats récalcitrants, il n’a été nullement inquiété. Il demeure toujours le même dans sa pensée et dans sa conception de « dictateur farceur » comme les analystes se plaisent à le dire.
Mais, en réalité, Mugabe est-il un véritable dictateur ou fait-il simplement l’objet d’un complot injuste, en raison de sa notoriété et de son charisme ? Bouc émissaire idéal, despote caricatural, ou victime de complot de ses pairs ?

De Tony Blair à Gordon Brown, en passant par le président Américain, Georges W. Bush, Robert Mugabe est vilipendé, toutefois il demeure  aux yeux de nombreux africains, une icône, un leader charismatique. C’est pourquoi, il fait l’objet d’ovations nourries à chacune de ses apparitions. Cette aura à nulle autre pareille tire ses origines du passé de Robert Mugabe, combattant intrépide de la liberté, il entra en politique en 1960, après avoir passé quelques années dans l’enseignement. Issu de la tribu majoritaire des Shonas, il va créer son propre parti : Zimbabwe African National (ZANU) sur la base ethnique. Dès lors, une rupture évidente entre N’debélé du Zimbabwe African People Union (ZAPU) s’opérera. Emprisonné puis libéré 10 ans après, il est frappé d’interdiction de séjour sur le territoire Zimbabwéen. Entre temps, dans son univers carcéral, il va décrocher  plusieurs diplômes dont celui de violence, comme il se plaît à le dire. Et n’a cesse de combattre le régime minoritaire et ouvertement raciste de l’ex-Rhodésie. Réfugié au Mozambique après sa sortie de prison, il mit en place des groupes de résistance et de lutte contre le régime en place. Il se réfugie au Mozambique. . A l’indépendance, Mugabe, bien que non content, va se lancer dans la politique de réconciliation avec les blancs et ses ennemis. Il intègre les ex-politiciens racistes dans la gestion du pouvoir sans rancune. Mugabe va flirter avec les 150 milles blancs d’origine britannique jusqu’en 1990. Après cette date, les rivalités naissent et aboutissent à l’affrontement. Il évoque entre autres, les raisons suivantes :
          
D’abord, les tentatives répétées de déstabilisation fomentées depuis l’Afrique du sud par le régime de l’Apartheid, dont l’objectif est d’empêcher le Zimbabwe d’abriter les bases arrières de l’ANC. Pretoria appuie techniquement et matériellement  les camps du Transvaal, les partisans de Joshua Nkomo, son plus grand rival politique afin de l’évincer.
         
Ensuite, la Communauté blanche du Zimbabwe dans son désir ardent de se débarrasser de lui, crée une attitude de méfiance, de défiance et de mépris à son égard.
         
Enfin le problème de terre ; Mugabe a hérité d’une agriculture certes performante, dont la structure est scandaleusement inégalitaire. Les blancs, environs six milles fermiers seulement, possèdent plus de 50% des terres cultivables du pays. Il va donc promettre une redistribution de celles-ci. En réalité, Mugabe étant le père de l’indépendance de la Rhodésie du sud, et ancien chef de la guérilla, il fait sien la dictature sic et l’injustice, si bien que les promesses faites à son peuple n’ont pas été tenues. Il va s’en suivre une pénurie alimentaire depuis 2000. Toute chose qu’il nie, en insu niant que le peuple ne veut pas changer ses habitudes alimentaires. Issu de la tribu de l’ethnie majoritaire des Shonas et converti à l’idéologie Marxiste-léniniste Moïste, il a été le premier responsable d’un parti qu’il a fondé : Zimbabwe African National Union (ZANU). Les Shonas d’ailleurs nombreux vont l’amener au pouvoir, malgré une campagne électorale marquée par des intimidations et d’instruisions de fraudes et de violences. Progressivement, son parti va accroître le nombre de siège au parlement. Cette montée politique vertigineuse de Mugabe, prévoyait sa chute, car l’homme n’était pas en réalité ce qu’on voit : c’est un véritable caméléon. Son plus grand échec  est de n’avoir pas tenu ses promesses de redistribuer la terre aux Zimbabwéens. Menacé d’être battu, il va chercher à s’accrocher au pouvoir. Il lancera contre l’opposition et même contre la population, son armée d’anciens combattants de la guerre d’indépendance et de militants du parti au pouvoir. Conséquence, on assiste à plusieurs assassinats des membres de l’opposition, notamment ceux du Mouvement pour le Changement démocratique (MDC). Malgré la vigilance de la communauté internationale, Mugabe est réélu dans les conditions calamiteuses en 2002. Depuis cette date, il tente de rattraper ses erreurs. Comment comprendre que celui qui soutenait en 1980 dès son élection que « nous voulons créer un Etat de justice et de liberté » ait tourné casaque ? Ce conciliateur, favorable à l’ouverture, à l’égalité sociale et à l’harmonie, sociale est aujourd’hui marqué par l’incohérence et la cœrcition. Bien qu’élu, il a d’énormes difficultés pour gouverner véritablement le Zimbabwe. 

Rober Mugabe, le dictateur ou le justicier ?

(Publié dans le quotidien ivoirien "Le Jour Plus" du 21 février 2008)

Publié dans Politique africaine

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