L'armée turque a perdu sa mainmise sur le pouvoir

Publié le par Denis-Zodo

 

 

L'armée turque, longtemps considérée comme l'épine dorsale du régime laïc mis en place par Atatürk, est en pleine zone de turbulences: louée pour ses missions à l'étranger, elle a vu son image ternie par les allégations de complot en vue de renverser le gouvernement issu de la mouvance islamiste.

L'élite militaire des "Pachas", ainsi nommée en référence au titre honorifique utilisé depuis l'époque de l'Empire ottoman, ne serait plus intouchable, à en juger par les peines de prison prononcées contre certains d'entre eux.

L'armée turque, qui a renversé quatre gouvernements depuis 1960, était en effet considérée comme la détentrice réelle du pouvoir dans la République strictement laïque fondée par Mustafa Kemal Atatürk sur les décombres de l'Empire ottoman. Publier par AP.

Une petite révolution est donc en cours dans le pays, depuis que le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan s'en est pris au pouvoir des militaires pour satisfaire aux demandes de l'Union européenne. Dans l'optique d'appuyer la candidature de son pays à l'UE, M. Erdogan a récemment proposé une série de nouvelles mesures en ce sens.

Lassée de la menace permanente de troubles fomentés par l'armée, la population turque a soutenu les orientations pragmatiques et modérées du gouvernement AKP, issu de la mouvance islamiste, favorable aux milieux économiques, pendant les sept dernières années.

Ironiquement, le déclin de l'influence de l'armée en Turquie survient alors qu'elle joue un rôle de plus en plus important sur la scène internationale. En décembre, la Turquie, seul pays musulman membre de l'Alliance atlantique, a pris le commandement de l'opération de maintien de la paix de l'OTAN en Afghanistan.

La Turquie a également contribué aux missions de maintien de la paix en Somalie, au Liban et au Kosovo, et aux opérations anti-piraterie dans le Golfe d'Aden.

M. Erdogan a annoncé dimanche qu'un règlement intérieur à l'armée, ayant servi à justifier les précédents putschs et le rôle central de l'institution dans la Turquie moderne, pourrait être amendé: ce règlement stipule que l'armée a le devoir de "surveiller et de protéger la République turque. "S'il y a consensus, il pourra être changé", a déclaré le Premier ministre dans une interview télévisée.

Le gouvernement a par ailleurs annoncé la semaine dernière qu'il annulerait un autre règlement mettant la police sous la coupe des militaires en cas d'application de la loi martiale, autre mesure visant à réduire les pouvoirs de l'armée.

"Quiconque pense qu'il n'y a pas de loi dans ce pays et suppose qu'il peut agir comme il le désire et justifier ses actes illicites par de nombreux artifices, celui-là doit savoir que ces temps sont révolus", a averti le Premier ministre la semaine dernière. "Nous ne voulons pas que la population de ce pays continue à vivre dans l'ombre d'une oligarchie", a-t-il ajouté.

Faire redescendre l'armée de son piédestal s'annonce cependant comme une tâche difficile. La Cour constitutionnelle a récemment annulé une loi permettant aux tribunaux civils de poursuivre les officiers de l'armée accusés de tentative de putsch, en lieu et place des tribunaux militaires.

Afin de minimiser les tensions avec l'armée, M. Erdogan a dit collaborer avec son chef pour enrayer les allégations de coup d'Etat. "Notre coopération se poursuit de façon positive", a-t-il déclaré.

Le chef de l'armée, le général Ilker Basbug, avait tapé du poing sur la table quelques jours auparavant, rejetant les allégations "cruelles" selon lesquelles ses subordonnés auraient comploté pour faire sauter une mosquée, dans l'espoir de provoquer le chaos dans le pays et préparer le terrain à un coup d'Etat.

Le général Ilker Basbug a réaffirmé que l'ère des putschs militaires était bien révolue. "Bien entendu, il y a eu des incidents en Turquie. Mais nous, les forces armées turques, affirmons que ces incidents relèvent désormais du passé", a-t-il déclaré.

Le ministère public a jusqu'à présent mis en accusation plus de 400 personnes. Bien que les officiers ne représentent qu'un dixième des prévenus, aux côtés de chercheurs, journalistes et hommes politiques, ils sont considérés comme les principaux instigateurs de ces complots.

 
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