Tripatouillages constitutionnels : quelle réalité en Afrique ?

Publié le par Denis-Zodo

                    

Tout pays qui s’honore d’avoir une Constitution écrite doit entourer celle-ci d’une dévotion particulière. Car, c’est la loi fondamentale ! Le socle, le fondement du droit ! Il faut donc  un respect pénétré pour ce qui ressort du sacré républicain. Malheureusement, l’outrance actuelle ou l’hystérie même parfois de certains Présidents, dès qu’ils prennent le pouvoir est de la dénaturer, de la tailler à leur mesure. Pourtant, une République, une Nation, c’est d’abord une Constitution ; la marque de l’adhésion populaire à une lettre, à une pratique et à un esprit. Ainsi, pour éviter les abus, les Constitutions elles-mêmes ont prévu les conditions de leur adaptation aux temps.

Certains points restent non révisables tandis que d’autres ne peuvent faire l’objet de  révision que par référendum constitutionnel par lequel le peuple souverain se fait pouvoir constituant. Ainsi, il (le peuple) refonde la société politique dont il actualise les bases et donne son souverain consentement. Une Constitution, c’est aussi la source première du droit, droit qui vient régler les relations entre les individus. C’est la pierre d’angle pour l’Homme, animal social et politique selon Aristote. Pourtant, partout en Afrique, depuis un certain nombre d’années, les Constitutions son malmenées, les vieux démons africains en quête de légitimité et assoiffés de pouvoir sont bien présents. Contrairement à certains pays qui ont brillé par la constance et le respect en matière constitutionnelle, la clé d’une stabilité politique, en Afrique, l’instabilité est la règle, en raison de ces pratiques visant l’intérêt personnel et mesquin au détriment de l’intérêt général. A chaque fois que quelqu’un vise le pouvoir, il vise également la révision de la Constitution et au-delà, le code électoral. Ainsi, dans cet environnement précaire, aucun pays n’est à l’abri des tentatives de l’acclimater, de la détourner, voire de la corrompre, aux intérêts exclusifs de quelques uns. La menace peut venir même du sommet de l’Etat, le gardien de la Constitution, devenant l’instigateur de son dévoiement. Dans la hiérarchie des normes, c’est le couronnement de l’édifice. Partant de toutes ces qualités et l’intérêt d’un tel document, pourquoi la tripatouille t-on ? Que faut-il faire pour la préserver ?

 

Les exemples sont légion en Afrique. Selon des sources concordantes, au Congo, et dans de nombreux autres pays, les députés, en sursis, et sauvés par un moratoire dont les peuples attendent toujours le résultat, ont décidé de changer la Constitution au détriment du peuple. De plus, au Congo, les sénateurs dont la majorité avaient échoué au vote direct, et qui ont acheté leur maroquin sénatorial auprès des députés provinciaux ont changé la Constitution votée par référendum par les Congolais le 18 décembre 2005, en échange d’argent reçu du bon dieu.


D’autres pratiques relatives à la fourberie des candidats déguisés en " indépendants " qui en sont de l'Alliance de la Majorité Présidentielle, se rangent du côté des partisans de la révision pour décider la révision de la Constitution, ou du refus de la révision, non pas pour le bonheur de la population de leur pays, mais pour eux-mêmes. En RDC, et dans la plupart des pays Africains en crise, c'est une pratique courante! De plus, personne ne s'offusque  qu'on veuille réviser " sa " Constitution bien qu’elle ne pose aucun problème. On a vu également des Président décrier des lacunes de certaines Constitutions dans certains pays, tel qu’en Côte d’Ivoire, mais une fois au pouvoir, point de révision car la Constitution devient automatiquement bonne quand  le pouvoir politique est acquis.

 

Or, on le sait, proposer la révision de la Constitution après l'accession au pouvoir d’un nouveau Président, c'est ouvrir la boîte de pandore. Et cela, en témoignent  les nombreuses dérives auxquelles nous avons assisté durant les processus électoraux de 2001 à 2007 au Sénégal. Celles-ci découlent de la manipulation permanente de la Constitution et de l’instrumentalisation à outrance du Peuple sénégalais à des intérêts égoïstes, parce que purement partisans.

Pour un bref rappel, l’adoption de la loi Mezza par l’Assemblée nationale reste encore gravée dans la mémoire collective des Sénégalais qui ont vu s’effacer un pan entier de l’histoire politique de leur pays, parce qu’émaillé de violences dont l’assassinat de Me Babacar Sèye, Vice Président du Conseil constitutionnel du Sénégal.

 

Pire, après avoir été graciés, les auteurs jugés coupables de cet acte ignoble et indigne d’un Etat démocratique, ont été amnistiés avant d’être graciés par le Président de la République. Ce qui a porté un coup dur à l’indépendance de la Justice de ce  pays et érigé l’impunité en règle de droit. Il s’agit donc là, d’une pratique récurrente dont la modification de l’article 27 de la Constitution, la énième du genre, qui n’est que la partie visible de l’iceberg.

 

On le voit, de telles forfaitures apparaissent aujourd’hui aux yeux des citoyens et citoyennes comme de sérieuses entraves à la consolidation de l’Etat de droit, c'est-à-dire, la séparation et l’indépendance des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, et de la démocratie  ou encore le traitement égal de tous les citoyens devant la loi, la lutte contre l’impunité, l’exclusion et toutes les formes de discrimination, la transparence dans la gestion des affaires publiques….

En outre, elles constituent également de sérieuses menaces à notre jeune démocratie pouvant déboucher sur des conflits violents qui minent les fondements de la République et fragilisent la stabilité, la paix, la sécurité, le développement et la coopération avec le reste du monde.

Devant ces manquements grossiers des politiques, il faut agir vite.


Il faut encourager et soutenir l'initiative citoyenne des associations comme le CEBS, Jean-Bedel Iyoka, Bijou Ndodji et Jean Clément Kanku en République Démocratique du Congo qui ont lancé une campagne populaire de collecte de 100.000 signatures pour barrer la route aux révisionnistes députés AMP.

Cette initiative citoyenne devrait gagner nos pays, villes, villages, provinces d’Afrique pour éviter une fois pour toute, le tripatouillage constitutionnel.


Les ONG de défense des droits humains telles que la RADDHO, la LIDRO et autres selon les pays, qui accordent une attention particulière au respect de la Constitution et des Institutions de la République doivent assurer à chaque citoyen et citoyenne l’intégrité de la Constitution.


Aucun leader, quelque soit sa valeur, ne peut se substituer à la volonté populaire et le gouvernement doit, avant de se préoccuper d’un prestige international, redonner dignité à chaque citoyen, meubler les cerveaux, remplir les yeux de choses humaines, développer un programme humain, parce qu’habité par des êtres
humains conscients et souverains, sans discrimination.  


Car, on le sait, la personne humaine étant sacrée, l’Etat a l’obligation de la respecter et de la protéger tel que stipule la plupart des Constitutions des pays d’Afrique et du monde.

 

Enfin, il est bon que chaque pays réaffirme ces engagements constitutionnels  suivants : la souveraineté nationale appartient au peuple  par ses représentants ou par la voie référendaire.


Aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté.

 

Cela montre que la souveraineté du peuple est inaliénable. Cette inaliénabilité s’exprime à travers les principes énoncés dans le préambule de la plupart des Constitutions des pays africains qui requièrent des procédures et consultations transparentes et démocratiques ;


la séparation et l’équilibre des pouvoirs conçus et exercés à travers des procédures transparentes et démocratiques ; le respect des libertés fondamentales et des droits des citoyens comme base des sociétés.

 

Publié dans Politique africaine

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F
<br /> Merci de corriger: loi ezzan au Sénégal, en lieu et place de loi Mezzan (Ezzan étant ce député Sénégalais auteur de cette "fameuse" loi d'amnistie).<br /> <br /> <br />
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D
merci pour ce rappel