Guinée : la page Conté définitivement tournée

Publié le par Denis-Zodo

                               

Décédé le lundi 22 décembre dernier au camp Almamy Samory Touré de Conakry, les obsèques de l’ancien Président Lansana Conté ont eu lieu ce vendredi dans la capitale guinéenne. Après les hommages de la nation au palais du peuple et au stade du 28 septembre devant ses trois épouses et surtout des Chefs d’Etat et chef de délégation arrivés pour la cérémonie, la dépouille du général Conté a été conduite en début de soirée à Moussaya, le village dans lequel il a émis ses premiers cris en 1934. Laurent Gbagbo de Côte d’Ivoire, Ellen Johnson Sirleaf du Liberia, Nino Vieira de Guinée-Bissau, des délégations venues du Mali et du Burkina-Faso, le président de la Commission de l’Union africaine le Gabonais Jean Ping,…étaient présents à ces obsèques. Ainsi, après 24 ans passés au pouvoir (1984-2008), régnant d’une main de fer, Lansana Conté n’a pu apporter au peuple guinéen, ce qu’il attendait de lui, à savoir la vraie démocratie et le développement. Malgré les richesses du sous-sol (premier producteur mondial de bauxite), il a maintenu son pays dans un état de pauvreté avancée. Gérant le pays comme une famille, il a dirigé le pays avec des clans qui ne voyaient que le profit. Longtemps malade, Conté n’a pas voulu quitter le pouvoir. Du moins, ses proches qui gravitent autour de lui, l’en ont dissuadé pour mieux tirer profit de ce Président qui n’arrivait plus finalement à bouger ni à réfléchir de lui-même (excusez du peu !). Comme une République bananière, la Guinée ne savait plus où elle allait et les Guinéens avaient mal, très mal même. C’est pourquoi, dès le décès de Conté, lorsque le Capitaine de l’armée guinéenne Moussa Dadis Camara est revenu sur les traces du président de l’Assemblée nationale, du premier ministre et du chef d’état-major des armées, pour annoncer la dissolution du gouvernement, des Institutions de la République et de la Constitution, il a obtenu le soutien du peuple et même de la Communauté internationale qui a condamné l’acte avec principe et surtout mollement. En réalité, la jeune génération de militaires avait compris le jeu des barons du pouvoir qui entendaient se servir de la Constitution pour garder le pouvoir. Car, selon la loi fondamentale guinéenne, le pouvoir devait échoir aux mains du président de l’Assemblée nationale qui, en 60 jours, devrait organiser les élections. Mais « les jeunes gens » de Conakry ont compris qu’une fois le pouvoir tombé aux mains de ces anciens, la Guinée ne connaîtrait pas le vrai changement. Bien au contraire, l’on assisterait à la continuité dans un pays exsangue. Or, les Guinéens de l’intérieur comme de la diaspora avaient soif de démocratie et de développement. C’était, on peut le dire, un coup d’Etat que Moussa Dadis et ses camarades venaient de fomenter. Certes, le jeune Capitaine d’armée, dans un communiqué, avait attiré l’attention des uns et des autres sur l’entrée de mercenaires étrangers sur le sol libérien, en soutien aux barons. Mais la menace a été annihilée selon certaines indiscrétions, par une force internationale dans un pays voisin dont le dirigeant était très ami à Conté et à son régime, et qui aurait bouclé les frontières, afin d’éviter les mouvements vers la Guinée. De plus, le Capitaine qui s’est autoproclamé Chef de l’Etat avait intimé l’ordre aux proches (politiques comme militaires) de Conté de rejoindre le camp militaire Alpha Yaya Diallo pour concertation. Ne pas y aller serait vu comme une opposition à la junte qui semblait bénéficier déjà du soutien du peuple et même de la Communauté internationale. En faisant allégeance à Camara et ses camarades, le premier ministre et son gouvernement, le président de l’Assemblée nationale et le chef d’état-major des armées venaient de capituler. Conforté, le nouveau Chef de l’Etat qui a promis d’organiser des élections claires et transparentes en 2010 tente maintenant d’effacer les traces de l’ancien Président puisqu’il tente aussitôt après les funérailles nationales de son prédécesseur, de convaincre les Guinéens et la Communauté internationale sur leur volonté de sortir le pays du gouffre. Ainsi, deux réunions auront lieu demain samedi. Une avec la société civile, les partis politiques et les religieux, et l’autre avec les représentants de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union africaine, de l’Union européenne, de l’ONU et des ambassadeurs des pays du G8. Consciente des critiques de la Communauté internationale, la junte dit comprendre les réactions de certains pays et même de certaines organisations internationales. Toutefois, ces réactions sont minimisées, car, selon des responsables de la junte, « la Communauté internationale elle-même, sait ce qui se passait ici en Guinée ». En d’autres termes, Conté n’était pas un exemple de démocrate ni un catalyseur de développement. C’est seulement Laurent Gbagbo de Côte d’Ivoire qui a vu en lui, un patriote qui aimait son pays. On peut vraiment être d’accord pour dire que « qui s’assemble se ressemble ». Tout comme lui, le Président bissau-guinéen Nino Vieira qui, au nom des Chefs d’Etat étrangers, a loué les mérites de combattant contre les colons portugais dans les maquis.

 Comme lui, qui a succédé à Ahmed Sékou Touré (26 ans de pouvoir) par un putsch après une mort naturelle, le Capitaine Camara vient de lui succéder aussi de la même manière, 24 ans après sa prise de pouvoir. Ainsi, ce sont 50 ans de vie et d’indépendance qui n’ont rien apporté à la Guinée, pourtant riche en minerais mais pauvre de sa politique faite de gestion calamiteuse des hommes et des biens de l’Etat. Comme quoi, la roue tourne. Pourvu que le nouveau Chef d’Etat ne mort pas à cet hameçon.

Publié dans Politique africaine

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