Mutilations génitales féminines : quel moyen d’éradication efficace ?

Publié le par Denis-Zodo

Les mutilations génitales féminines (MGF) ou excision clitoridienne consistent en l’ablation de la partie externe prépondérante du clitoris et son capuchon ; elle peut être parfois accompagnée de l’ablation des petites lèvres et de la suture des grandes lèvres. Ce phénomène a une grande étendue géographique. On le rencontre dans de nombreux pays du monde, mais elle est plus courante en Afrique sub-saharienne, au Proche Orient et en Asie du Sud-Est. Dans ces pays, la proportion de femmes concernées par les MGF est variable et comprise entre 1,4% et 96% de la population féminine en 2000. En Afrique, on estime entre 100 et 150 millions de femmes excisées jusqu’aujourd’hui. Chaque année, selon une enquête de l’IND, 2 millions de fillettes sont en attente d’excision. En France, le nombre de femmes excisées est estimé à 50 000. En Côte d’Ivoire, plus de 45% des femmes ont subi l’excision, selon une source d’organisations féminines. On le voit, malgré l’existence des lois de suppression, l’excision demeure et évolue dans des proportions alarmantes. Fort de ce constat, l’on est en droit de s’interroger sur l’origine et la motivation de cette pratique absurde et criminelle.

L’excision est une pratique animiste ou pharaonique, c’est-à-dire avant l’arrivée des grandes religions monothéistes dans les contrées. Elle tire son origine de la tradition des peuples. En effet, elle est un rite de passage d’une situation à une autre, et de renaissance de la petite fille dans la société ou la communauté. Les raisons qui prévalent à son maintien et à sa préservation sont nombreuses mais délicates. Elles comprennent des arguments tangibles et des préjugés.

D’abord, selon la conception des conservateurs de cette pratique, le clitoris est considéré comme une imperfection de la création divine. L’homme ou l’être humain doit avoir qu’un seul sexe : le sexe masculin ou le sexe féminin. Or le clitoris qui apparente au sexe masculin fait de la femme à la fois homme et femme, car détentrice de « deux sexes ». C’est pourquoi, son ablation est admise et exigée dans ces sociétés.

Ensuite, l’excision est un moyen pour perpétuer les couples. En effet, l’excision préserve la virginité qui est un idéal féminin au mariage dans plusieurs sociétés car, elle favorise le rétrécissement du vagin et l’orifice vaginale, aux fins de favoriser le plaisir sexuel du conjoint. Aussi, protège-t-elle contre un excès de désir sexuel chez la femme, et qui constitue une cause d’adultère de celle-ci.

Enfin, les raisons hygiéniques et esthétiques ainsi que des considérations culturelles constituent des motivations inéluctables. Au-delà des raisons hygiéniques et esthétiques, la préservation du patrimoine culturel ou traditionnel, cher aux ancêtres, est une raison cruciale qui inscrit ces populations dans cette pratique rétrograde. Dans certaines traditions modernistes, on y pratique par snobisme, par effet de mode…

Mais, quelle est la position de la religion face à ce phénomène ?

En dehors des animistes qui en sont à l’origine et dont la représentation de cette pratique est considérable, plusieurs communautés religieuses soutiennent la pratique de l’excision. On a des religions chrétiennes africaines (Ghana, Togo, Côte d’Ivoire…), la communauté juive des Falashas et certaines communautés islamiques. Pour ce dernier groupe cité, il n’y a pas de consensus parmi les sunnites sur le rapport islam et excision, car l’organe ponctionné est un acte interprété comme source du manquement de la femme à la morale et aux bonnes mœurs,  alors que les autres y voient une atteinte au droit inaliénable de la femme. Les judaïses et autres religions occidentales proscrivent cette pratique, car elle est jugée rétrograde. En réalité, malgré les efforts de sensibilisation, les textes coraniques et autres dispositions religieuses relatives à l’excision sont diversement interprétées. Ainsi, au Sénégal, au Mali et même dans certaines régions de la Côte d’Ivoire, les Imams continuent d’encourager cette pratique au moment où d’autres la condamnent (en raison de ses conséquences négatives). L’excision aujourd’hui, fait l’objet de répression dans plusieurs pays, en raison de ses conséquences négatives qui sont d’ordre biologique, psychologique et sociologique.

Au plan biologique, elle est source d’hémorragies, d’infection et de pertes d’organes qui entraînent des maladies et des complications qui, à leur tour, entraînent la mort.

Au niveau psychologique, ce sont des troubles récurrents consécutifs à l’excision, qui mettent la victime dans une stabilité sexuelle fébrile. Cela influence négativement la vie conjugale de la victime (rapport sexuel douloureux, problème d’accouchement…). Sa vie sociale devient donc problématique, en raison des séquelles de l’excision. C’est fort de ces conséquences que les organisations internationales (ONG, OMS, UNICEF…) considèrent ce phénomène comme grave, injuste et criminel. Elles en ont prévu des sanctions répressives. Cependant, malgré ces efforts, elle est toujours pratiquée. Les mécanismes de répression et de prévention mis en place par des Etats, n’ont pu faire reculer ce phénomène, et le mal demeure, en raison des complicités et de l’ignorance. Face à la recrudescence de ce phénomène, comment lutter efficacement contre lui ? Les efforts des Etats engagés dans la lutte, n’ont pu régler les barrières culturelles et les complicités, si bien que leurs efforts ont été vains. C’est pourquoi, toute action efficace doit viser aussi bien la prévention que la répression. Il faut avant tout identifier les acteurs qui sont les praticiens et les demandeurs. Il faut décourager ou dissuader chaque acteur à avoir recours à cette pratique. Il faut d’ores et déjà mener de vastes campagnes de sensibilisation par les différentes couches sociales (ONG, religions, communautés de base, acteurs de l’excision…), encourager les dénonciateurs et les protéger, insérer les praticiennes dans les activités régénératrices de revenus ou dans des métiers selon les facultés ou capacités. Ensuite, il faut élaborer des lois rigides contre l’excision et les pratiques afférentes à celle-ci. Les sanctions infligées aux auteurs doivent faire l’objet de large diffusion, de sorte à assurer la prévention par l’exemplarité. Les sanctions doivent frapper tous les intervenants dans la commission de l’infraction, mais aussi les demandeurs passifs. Enfin, les Etats doivent prendre en main, l’objectif permanent de re-adopter des pratiques culturelles et religieuses en privilégiant les droits humains.

Publié dans société

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