Mauritanie : quand la démocratie agonise

Publié le par Denis-Zodo

                                     

 

Trois ans trois jours. C’est le temps qui sépare le coup d’Etat militaire du 3 août 2005 de celui du 6 août 2008. Autant dire que le premier Président démocratiquement élu de la République islamique de Mauritanie, Sidi Ould Cheikh Abdallahi n’a passé que seize (16) petits mois à la tête du pays, puisqu’il a hérité du pouvoir en mars 2007, après environ deux ans de transition militaire. En tout cas, les Mauritaniens et la Communauté internationale avaient poussé un ouf de soulagement après l’élection de mars 2007. Malheureusement, le pays vient de connaître son troisième coup d’Etat réussi depuis son indépendance en 1960. Le départ de Mahouya Ould Taya du pouvoir par coup d’Etat en 2005 et l’élection de Sidi, après une transition militaire exemplaire, avaient alors été perçus comme le début d’une normalité longtemps absente dans cet Etat de la ligue arabe. Mais hélas, c’était sans compter avec les militaires qui, paradoxalement, avaient été ceux-là même qui avaient été à l’origine de ces avancées démocratiques.

Le 6 août 2008, alors qu’on s’y attendait le moins, le général Mohamed Ould Abdel Aziz, chef d’état-major particulier du Président Abdallahi l’écarte du pouvoir et avec un noyau fort de l’armée, met en place un « conseil d’Etat ». Qui promet une élection présidentielle « libre et transparente » dans « une période qui sera la plus courte possible ». Le chef de la garde présidentielle qui a conduit le putsch affirme que « ce n’est pas un coup d’Etat. Il s’agit d’une action destinée à sauver le pays ». Mais le peuple n’est pas dupe. En réalité, le putschiste a agi, en représailles à son limogeage et à celui du général Ould Cheikh Mohamed Ahmed, chef d’état-major de l’armée, la veille par le Président. Ces deux personnalités militaires, notons-le, étaient membres du conseil militaire de transition qui avait conduit le pays aux élections démocratiques de mars 2007. Pour justifier également ce coup d’Etat, l’on fait cas d’une mauvaise gestion des fonds du pays et de népotisme. Ce qui expliquerait la démission de 48 députés et sénateurs Mauritaniens du parti présidentiel. Justement, l’opposition accuse son épouse d’avoir détourné des fonds publics sous couvert d’actions caritatives, tout en critiquant l’incapacité du Président déchu à opérer le « changement escompté ». Il est également mentionné la hausse des prix des produits de première nécessité et le terrorisme islamiste, qu’on attribue au Président démocratiquement élu. On le comprend, tout a été réuni pour amener les Mauritaniens et la Communauté internationale à comprendre l’action des putschistes. Mais les condamnations ne se sont pas fait attendre. Le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, l’Union africaine, la Commission européenne, la France et de nombreux autres Etats du monde entier ont vivement condamné ce coup de force ; certains réclament même le retour à la légalité constitutionnelle. Mais tous savent que ce sont des formules connues qui ne viendront rien changer. « C’est toujours comme cela. On condamne et après, il n’y a rien, on avance. Ceux qui condamnent sont d’ailleurs les premiers à rétablir les relations avec les putschistes », ironisent certains.

 

                                     La passivité de la Communauté internationale

 

  La Communauté internationale s’est souvent peu investie dans le rétablissement des situations de ce genre dans les Etats. Elle s’est toujours contentée de condamner et de condamner sans véritablement agir. Entendez par l’action, une intervention militaire de l’Union africaine quand le coup d’Etat est flagrant. Si les forces de l’Union africaine sont intervenues récemment dans l’île comorienne d’Anjouan, pour chasser du pouvoir le chef de l’Etat auto proclamé Mohamed Bacar, aujourd’hui réfugié au Bénin, les Africains devraient songer à sauvegarder la démocratie en Mauritanie, un pays qui ne l’a véritablement pas connue depuis son indépendance en 1960. Pour une fois que la junte militaire a pu permettre au peuple de se familiariser à la démocratie, il aurait fallu maintenir celle-ci dans un Etat où le coup d’Etat est en passe d’être une institution. Parce que si l’on estime que le Président démocratiquement élu, s’est engagé sur la voie de la mauvaise gouvernance, les prochaines élections sont là pour le chasser démocratiquement du pouvoir. Le coup d’Etat est un raccourci pour régler des situations personnelles. Même quand elle est catastrophique, ce n’est pas le recours approprié, a fortiori quand seulement, des soupçons se font jour. Osons le dire, la Communauté internationale est en train de laisser mourir la démocratie, dans un pays qui en a plus besoin que n’importe quel autre. Doit-on comprendre là aussi qu’il est question d’intérêt ? C’est-à-dire que lorsque les intérêts de la Communauté internationale sont en jeu, l’intervention est immédiate. Mais quand elle n’y trouve aucun intérêt, on laisse faire. Et c’est à croire qu’à cette allure, n’importe qui pourra se lever pour faire ce qu’il veut parce qu’il ne serait pas content de Pierre ou Paul. Si les décideurs du monde veulent que la démocratie soit uniforme partout dans le monde, le laxisme doit faire place à la légèreté légendaire qui caractérise les relations entre nations et organisations internationales. Ainsi, notre monde se portera mieux.        

Publié dans Politique africaine

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