Côte d'Ivoire - Elections présidentielles du 30 novembre 2008: désordre à l'horizon

Publié le par Denis-Zodo

Les partis signataires de l’accord politique de Ouagadougou se sont engagés à réaliser en temps utile l’opération d’identification et l’organisation des élections présidentielles ouvertes à tous, démocratiques et transparentes. La commission électorale indépendante (CEI), dans le cadre des activités préparatoires est en train de tout mettre en œuvre pour s’établir sur toute l’étendue du territoire ivoirien. Elle procède aussi à la formation de ses membres et projette les reformes des textes régissant les élections afin de conférer à celles-ci un caractère de justice et de célérité. Tout porte à croire que la CEI veut respecter la date du 30 novembre 2008 choisie pour  ces opérations qui est  acceptée par toutes les parties. Mais, l’analyse des réalités du terrain semble nous en faire douter. Les  acteurs politiques d’ordinaire versatiles seraient-ils sincères cette fois-ci ? Auraient-ils résolu les problèmes existentiels, consubstantiels aux élections ? Les propositions de reforme du code électoral faites par la CEI auraient-elles rencontré, en l’état, l’assentiment des gouvernants ?

Selon M. Mambé Robert, Président de cette structure (dans la perspective de l’élection présidentielle du 30 novembre 2008), le jugement supplétif ou l’acte de naissance suffira aux Ivoiriens pour s’inscrire sur les prochaines listes électorales. Il est allé plus loin pour dire que l’inscription sur la liste électorale sera accordée à tout Ivoirien dont le nom ne figure pas sur l’ancienne liste d’inscription de 2000, objet de contestation par les parties. A l’analyse, les élections qui s’annoncent n’auront aucun caractère d’exclusion dans la mesure où le document élémentaire d’identification suffit pour être enregistré sur la liste. Mais, pour que cela soit possible, il faut effectivement achever l’audience foraine et la reconstitution des registres d’Etat civile au moment où l’enrôlement n’est pas achevé. Ainsi, tous ceux qui auront leur extrait ou leur jugement supplétif dans ces opérations pourront bénéficier de l’enrôlement, s’ils remplissent les conditions. Or présentement, nous sommes interpellés déjà par le volume d’activités à réaliser quand on sait qu’une lenteur caractérise le processus électoral depuis longtemps. Les textes et la réalité du processus sont parlants. Les contraintes textuelles affinées peuvent faire l’objet de litiges. A ce niveau, il faut savoir que le code électoral est le socle de tout processus démocratique, le premier miroir de la bonne gouvernance, le guide de la justice sociale et l’équité politique. C’est pourquoi, il nécessite d’être traité avec prudence. Et vu l’importance de ces reformes à discuter et devant l’enjeu politique et social, la présente révision ne saurait être une affaire des seuls honorables députés, encore moins du Président de la République après un tripatouillage de celle-ci avec ses partisans. Sa relecture doit nécessairement intégrer les vœux d’un organe mixte composé de la société civile, des partis politiques et des parlementaires. A notre sens, une telle orientation de la procédure intégrera les nouvelles donnes d’une démocratie véritable, le socle de l’unité. Quant à la réalité du processus, l’évidence de faire mentir encore les acteurs politiques est réelle. En effet, beaucoup de problèmes demeurent insatisfaits au moment où on indique une nouvelle date. Sans évaluer un chronogramme réel des activités, ils ont fixé une date aux moments sensibles de l’année. Si le volume des activités ne peut pas se tenir dans ce délai, allons-nous aller quand même aux élections au préjudice de certains citoyens ? Et avec quels moyens ?

L’une des plus grandes difficultés dans ce processus est la mobilisation des fonds destinés à l’acquisition du matériel et à l’exécution des opérations préélectorales. A côté de cela, il y a l’épineuse question d’identification des milices et autres groupes de défenses dont la démobilisation n’est pas faite. Les difficultés de trésorerie dans toutes les structures intervenant dans la résolution de la crise ont entraîné de façon générale un mauvais fonctionnement de ces structures. Ainsi, les prises en charge et primes diverses sont devenues un fardeau financier pour l’Etat. Ces structures actives sont devenues fragiles, voire même inexistantes. C’est le cas du Centre de Commandement Intégré (CCI) qui n’existe que de nom. Idem pour de nombreuses commissions électorales locales. L’administration n’a pas pu se déployer utilement en raison du manque criant d’infrastructures adaptées, si bien qu’on se remet à chaque fois qu’une date est donnée, à la bonne foi des acteurs politiques. Face à toutes ces obscurités, un chronogramme précis justifié par des moyens peut véritablement nous situer sur la possibilité de réaliser les élections le 30 novembre 2008. Il faut donc éviter le ‘ping-pong politique’ qui ferait fuir la communauté internationale assez compatissante pour les Ivoiriens. Ce qui est amusant, c’est que le désarmement avant ou après les élections alimente de part et d’autre les belligérants encore, au moment où on veut aller aux élections. Ce début dangereux qui demeure peut nous faire perdre encore le temps, très court désormais. L’article 11 du code électoral prévoit une consultation préalable de la liste électorale, trois mois avant le scrutin, et c’est par voie d’affichage public dans tous les lieux de vote, ce qui n’a rien avoir avec la distribution sur support électronique de la liste contextée de 2000. En plus, après consultation au dernier moment, il faut accorder 15 jours aux réclamants pour que leurs revendications soient prises en compte avant le scrutin. Et ce remue-ménage pourrait entraîner un désordre si les choses ne sont pas maîtrisées et bien menées en raison du fétichisme des dates. Par ailleurs, on a la problématique de la création des bureaux de vote qui s’impose. Car un bureau de vote ne devant excéder 600 électeurs, il faut, en fonction du nombre de votants inscrits, procéder rapidement à la création d’autres bureaux. Et ici, il appartient à la CEI de fixer les lieux et le nombre de bureaux de vote. Les structures locales qui assumeront ces tâches spécifiques n’ont pas encore été installées en raison du manque de financement, ceci  complique la situation électorale. Comme on le voit, la date fixée peut être une bombe si on n’y prend garde. Il faut donc s’y atteler de sorte à bien mener toutes les activités essentielles en vue d’une élection consensuelle. Les acteurs politiques doivent faire jouer la bonne foi et la sincérité dans cette dernière phase.  

 

Publié dans Politique ivoirienne

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D
quoi qu'il en soit ,les différentes élections auront bel et bien lieu un jour .
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D
<br /> je suis de votre avis , merci<br /> <br /> <br />
A
Je ne pouvais imaginer la complèxité de ces élections.<br /> Merci, grâce à votre blog, nous avons une nouvelle porte qui s'ouvre sur votre quotidien.<br /> Je sens que je vais suivre avec intérêt.
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D
<br /> <br /> Vraiment complexes ces élections. Nous sommes partagés entre incompréhensions, supporters, milices, armées de part et d'autre qui rendent les décisions politiques dfficiles. Merci de suivre avec<br /> intérêt ce qui se passe dans notre pays. Nous essaierons de vous tenir informé. Cordialement<br /> <br /> <br /> <br />
L
http://www.la-constitution-en-afrique.org/ <br /> <br /> Qui pilote la Côte d'Ivoire pour préparer la tenue de la présidentielle du 30 novembre? Vous trouverez le point de vue d'un constitutionnaliste sans parti pris sur le site LA CONSTITUTION EN AFRIQUE<br /> <br /> ° Gbagbo ordonnance la sortie de crise en Côte d'Ivoire<br /> http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-18951635.html <br /> <br /> Au plaisir d'échanger<br /> <br /> SB
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D
<br /> <br /> M. Stephane Bolle,<br /> Selon l'Article 48: Lorsque les Institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une<br /> manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exceptionnelles exigées par ces<br /> circonstances après consultation obligatoire du Président de l'Assemblée nationale et de celui du Conseil constitutionnel.<br /> Il en informe la Nation par message.<br /> L'Assemblée nationale se réunit de plein droit.<br /> <br /> <br /> <br /> En période exceptionnelle où il y a un vide constitutionnel, l'ordonnance peut avoir sa place. Encore...<br /> Dans cette situation, les institutions ne sont pas dissoutes. Tout ceci devrait passer devant les institutions, donc il s'agit bien d'un hold-up électoral du président Gbagbo.<br /> <br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> <br /> Denis Zodo<br /> <br /> <br /> <br />